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qui, avec le secours d’une température favorable, a produit une récolte un peu supérieure aux besoins ; secondement, car l’abondance elle-même ne suffit pas pour expliquer une pareille chute des prix, la pauvreté d’un grand nombre de cultivateurs, privés de revenu depuis plusieurs années, qui les a forcés à faire argent de leur blé à tout prix pour subvenir à leurs besoins. Avec le temps et la liberté, tout s’arrangera. À cette baisse succédera infailliblement une hausse, car aucune industrie ne peut subsister en vendant sa principale denrée à perte. On reviendra par la force des choses au prix normal, de 18 à 20 fr. pour les marchés du nord de la France, de 20 à 22 pour ceux du midi. Les cultivateurs avisés ont déjà commencé à réduire leurs semailles, et avec raison, car l’extension exceptionnelle donnée à la production du blé n’aurait pu se soutenir sans nuire aux autres cultures et à la fertilité du sol.

Ce qui importe maintenant, c’est qu’on substitue le plus tôt possible au régime provisoire un régime définitif. L’échelle mobile est condamnée par l’expérience, mais mieux vaudrait l’échelle mobile que l’arbitraire absolu ; avec l’échelle mobile, on aurait eu la libre exportation plusieurs mois avant le moment où elle a été autorisée. Le commerce et la culture ont besoin de savoir à quoi s’en tenir ; on ne peut asseoir aucun calcul sérieux, soit comme production, soit comme spéculation, quand on teste sans cesse exposé à des mesures prises à l’improviste pour agir sur les prix. La liberté complète est le système le plus rationnel, car elle seule permet de porter remède au mal dès qu’il se déclare. Ce n’est pas quand le blé est monté à un prix excessif qu’il est utile de permettre la libre importation, c’est avant, ou pour mieux dire toujours, pour prévenir autant que possible tout excès de hausse ; de même ce n’est pas quand le blé est tombé à un prix désastreux qu’il est utile d’autoriser la libre exportation, c’est avant, ou pour mieux dire toujours, pour prévenir autant que possible tout excès de baisse.

Un décret du 15 mai a réduit des trois quarts le droit perçu sur les soufres étrangers ; depuis l’emploi en grand du soufre pour la guérison des vignes malades, cette mesure était devenue nécessaire. Nous devons au soufrage une grande partie de la récolte de 1857 en vin, surtout dans le midi ; l’usage du soufre paraissant devoir s’étendre à cause de l’action qu’il exerce sur la végétation, il est à désirer que le tarif actuel soit maintenu, quand même la maladie de la vigne deviendrait moins intense.


II

Outre ces questions de douane, on s’est occupé en 1857 de plusieurs projets de loi sur des intérêts agricoles. Nous n’avons pas