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manquer dans un royaume qui peut en produire beaucoup plus qu’on n’en peut vendre à l’étranger. La conduite de l’Angleterre prouve au contraire qu’il n’y a point de moyen plus sûr pour soutenir l’agriculture, entretenir l’abondance et obvier aux famines, que la vente d’une partie des récoltes à l’étranger. Cette nation n’a point essuyé de cherté extraordinaire ni de non-valeur du blé depuis qu’elle en favorise l’exportation. »

Le même Quesnay cite le passage suivant d’un auteur anglais de son temps, Mun, sur les avantages que retirait alors l’Angleterre d’une exportation organisée : « Laissons aux autres nations, dit Mun, l’inquiétude sur les moyens d’éviter la famine ; nous avons trouvé, par un moyen fort simple, le secret de jouir avec abondance du premier bien nécessaire à la vie ; plus heureux que nos pères, nous n’éprouvons pas ces excessives et subites différences dans le prix des blés ; en place de nombreux greniers de ressource et de prévoyance, nous avons de vastes plaines ensemencées. Tant que l’Angleterre n’a songé à cultiver que pour sa propre subsistance, elle s’est trouvée souvent au-dessous de ses besoins ; mais depuis qu’elle s’en est fait un objet de commerce, sa culture a tellement augmenté qu’elle est en état maintenant de porter des blés aux nations qui en manquent. Si l’on parcourt quelques-unes des provinces de France, on trouve que non-seulement plusieurs de ses terres restent en friche, qui pourraient produire du blé ou nourrir des bestiaux, mais que les terres cultivées ne rendent pas, à beaucoup près, en proportion de leur bonté, parce que le laboureur manque de moyens pour les mettre en valeur. Ce n’est pas sans une joie sensible que j’ai remarqué dans le gouvernement de la France un vice dont les conséquences sont si étendues »

Ce vice dans notre gouvernement dont Mun se félicitait avec ce sentiment de haine que tout Anglais portait alors à la France, et que la France rendait bien à l’Angleterre, c’était l’interdiction d’exportation. Un siècle s’est écoulé, et combien les observations de Quesnay ont aujourd’hui plus de force depuis que l’augmentation de la population anglaise met ce pays dans la nécessité d’acheter constamment des grains au lieu d’en exporter !

La liberté de distillation a bien aussi ses avantages. « Par la distillation, dit une feuille spéciale, la farine perd environ 50 centièmes de son poids ; il reste donc dans les résidus 50 centièmes de matière utile qui renferment le gluten, l’albumine, les substances grasses et minérales, qui constituent les principes nutritifs des grains. Ici comme dans la betterave, le sucre ou la fécule qui produisent l’alcool ont seuls disparu, de telle sorte que 50 centièmes de farines épuisées par la macération représentent à peu de chose près toute la substance nutritive que contenaient les grains en nature, moins