Page:Revue des Deux Mondes - 1858 - tome 13.djvu/824

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

pourtant des endroits où il présente des traits plus reconnaissantes et plus tranchés. Un de ces endroits est la ville de Guilford, dans le Surrey. Son origine remonte à une date ancienne ; elle fut la résidence des rois saxons de l’ouest, et l’on y voit encore les ruines de leur château. D’autres bâtimens, qui donnent à cette vieille cité un caractère romantique, furent autrefois ou des édifices publics, ou la demeure de hauts personnages ; aujourd’hui ils sont habités par des marchands. L’un de ces bâtimens, dont la façade a été retouchée, mais dont l’ensemble conserve les traits d’une majestueuse vétusté, a été converti en une auberge, l’hôtel du Dauphin, Dolphin inn. Là, au milieu des vieux restes d’architecture et des vieux souvenirs, vous retrouvez le Saxon dans toute sa pureté[1]. On le reconnaît tout de suite à sa face ronde et haute en couleur, à sa structure robuste, charnue et compacte. Le système osseux se montre moins développé que chez les Celtes de l’Ecosse ; la taille est moins haute, mais les épaules sont carrées et larges, les bras nerveux, la poitrine pleine. Les jambes et les cuisses ne répondent point au déploiement de la partie supérieure du corps. Peut-être cette dernière circonstance est-elle à la fois un caractère du type primitif et un résultat de la civilisation, qui applique l’homme aux arts mécaniques. Dans ces travaux sédentaires, les extrémités se sacrifient au développement de la poitrine et des bras. C’est ainsi que les particularités naturelles d’une race se fortifient par l’exercice même de ses instincts. Mais si l’on veut se former une idée de la beauté du type saxon, il faut regarder la femme. Elle se signale par des cheveux blonds, des yeux bleus, des lèvres vermeilles, des joues roses comme la fleur à laquelle elles ont été si souvent comparées, une peau aussi blanche et aussi transparente que l’albâtre, des traits délicats, des bras admirablement modelés, une contenance et une taille parfaites, un buste fin, un air de santé florissante et pourtant distinguée. Qui ne reconnaît surtout une vraie Saxonne à sa démarche ? Cette démarche est toute une révélation, incessu patuit dea. On y distingue le mouvement d’une race fière, indépendante, maîtresse d’elle-même et de tout ce qu’elle veut soumettre. Ici se fait moins sentir qu’ailleurs la

  1. Je m’étonne que les Anglais n’aient point encore profité, au point de vue de l’ethnographie, d’un art ou d’un commerce aujourd’hui répandu avec excès dans toutes les parties de la Grande-Bretagne : je parle du daguerréotype ou de la photographie. En choisissant avec goût les types individuels qui expriment le mieux les traits des anciennes races, on écrirait un excellent cours d’histoire iconographique. L’œil verrait ainsi naître de portrait en portrait comme d’âge en âge la nation anglaise avec les caractères primitifs des différentes familles humaines, les nuances intermédiaires auxquelles le croisement a donné lieu, l’action des races sur les races, en un mot la série des faits qui, continués et engendrés les uns des autres, ont constitué la population britannique.