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la race, aussi bien que dans l’industrie, les traits d’une civilisation qui s’élève et qui se complique. La race celtique était évidemment en progrès, lorsque l’invasion romaine fondit sur elle et arrêta le développement naturel du type, en lui superposant d’autres lois, d’autres croyances, un autre ordre social.

Ces monumens métallurgiques ne sont pas les seuls que les anciens Celtes aient laissés, comme autant de témoignages de leur existence, sur le sol de la Grande-Bretagne. On a découvert, en fouillant, des traces assez obscures, il est vrai, d’habitations et d’anciennes cultures. Les Celtes connaissaient l’art du labour, vertere terram. Leurs habitations indiquent elles-mêmes une échelle de progrès : les premiers gîtes, selon toute vraisemblance, étaient des caves situées sur le bord de la mer et creusées par la nature, telles que le trou du Kent, Kent’s hole, près de Torquay, dans le Devonshire : on suppose que ces trous ont été habités à une époque très ancienne par des familles de pêcheurs. Ailleurs les antiquaires, sur de faibles indices, ont cru pouvoir marquer la place de quelques villages celtiques ; ils ont suivi d’un œil exercé les lignes des maisons et les rues, ou du moins les chemins creux qui conduisaient aux maisons ; mais il est d’autres monumens plus irrécusables qui proclament dans la Grande-Bretagne la grandeur de la race celtique, et ces monumens sont des tombeaux. Je parle des cromlechs, vulgairement connus sous le nom de pierres druidiques. J’ai rencontré de ces monumens funéraires dans plusieurs endroits de la Grande-Bretagne, et partout j’ai été frappé du caractère cyclopéen qui les distingue. Il existe deux ordres de cromlechs : les uns sont d’une pierre brute et informe ; les autres sont d’une pierre qui a été touchée par le ciseau. Vous avez dans le premier cas sous les yeux les monumens de l’état de nature, dans le second les monumens de la civilisation naissante. Je me suis surtout arrêté, entre Maidstone et Rochester, devant un ancien cromlech bien connu sous le nom de Kit’s coty house. Ce monument s’élève d’une manière tragique sur le front nu et sourcilleux d’une colline. Il se compose de quatre pierres brutes, énormes, et recouvertes par la sombre couleur du temps. Cette rude enfance de l’architecture a je ne sais quoi d’étrange et de mystérieux qui plonge l’âme dans une sorte de stupeur. À côté du cromlech, un troupeau de moutons broutait au soleil l’herbe courte et sèche : quelques brebis venaient même chercher un peu d’ombre sous la vaste pierre posée en manière de table ou de couvercle, et à laquelle trois autres pierres servaient de supports. Le pâtre, assis et adossé à un tertre en face du monument, sifflait un air rustique.

Il ne faut pas juger de la forme primitive des cromlechs par l’état