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tandis que les premières étaient destinées, selon toute vraisemblance, à repousser les attaques des animaux nuisibles. Une telle succession de formes exprime bien le développement naturel des forces humaines ; la guerre et la chasse ont dû précéder le travail proprement dit et les arts utiles. Ces vestiges de l’âge de pierre, des coins, des ciseaux connus sous le nom de celts (du latin celtis), se rencontrent dans tous les terrains superficiels de la Grande-Bretagne. Les antiquaires et les amateurs doivent d’ailleurs se tenir sur leurs gardes, certains ouvriers anglais ayant trouvé le moyen de contrefaire ces objets avec un art qui rend très difficile de reconnaître la fraude. Ce commerce illicite demande une main habile sans doute ; mais combien nous devons admirer davantage la patience des grossiers précurseurs de la race saxonne, qui eux n’avaient point à leur service les instrumens d’acier, et qui en étaient réduits à travailler le silex par le silex, la pierre par la pierre !

Dans les tombeaux marqués du sceau d’une haute antiquité, les crânes humains se montrent extrêmement bas, étroits, et d’une forme pyramidale[1]. Ils présentent, sous le rapport de la structure et du volume, une différence notable avec ceux de la période suivante, l’âge de bronze. Cette différence a donné lieu à des réflexions : on s’est demandé si ces premiers hommes, qui n’avaient rien de mieux pour étendre leur chétive existence que des têtes de flèche en cailloux et des armes de pierre, dont la boîte osseuse du cerveau exprime les traits d’un état social borné à la satisfaction des premiers besoins de la vie physique, étaient bien des Celtes. N’étaient-ce pas plutôt des aborigènes, produit d’une migration plus ancienne, que l’invasion des Celtes aurait rencontrés et anéantis ? Le contraste réel qui existe entre les crânes si pauvres du premier âge et ceux des âges suivans peut bien ne pas tenir à l’introduction d’une nouvelle variété de l’espèce humaine, mais à un progrès dans le bien-être de la population indigène et dans les moyens de se le procurer[2]. Je dois

  1. Je citerai entre autres un ancien crâne trouvé dans un tombeau sur Ballidon-Moor (Derbyshire). Le tombeau offrait les signes évidens d’un âge primitif. On y découvrit les dépouilles d’un véritable aborigène des îles britanniques. La face du squelette présentait une apparence rugueuse, des os anguleux, rudes et profondément empreints d’une forte action musculaire. Le crâne annonçait un homme d’environ quarante-cinq ans. Il semblait avoir appartenu, dit le docteur Davis, à un de ces citoyens de la forêt dont la vie ne se maintient que par une lutte sévère, et dont la nourriture consiste en alimens crus et grossiers. Il y a quelques années, un dentiste demeurant dans le Dorsetshire obtint la permission d’ouvrir, un tertre sépulcral dans le voisinage de Maiden-Castle : il y trouva le squelette d’un ancien Breton, et, dans ce qui avait été la cavité de l’abdomen, des semences de framboises. Ces semences, mises dans un pot, germèrent et donnèrent des plants de framboisier.
  2. Voyez, dans la Revue des Deux Mondes du 15 mars 1848, un article dans lequel on expose les vues de M. Frère sur les transformations périodiques du crâne humain.