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viennent enfin à vider cette querelle avec la Chine, est-ce à dire qu’ils soient maintenant plus libres dans l’Inde ? Leurs affaires sont-elles complètement relevées ? Elles ont paru l’être un moment ; l’illusion n’a point duré, elle s’est dissipée surtout lorsqu’on a vu que le ravitaillement de Lucknow, entrepris par le général en chef sir Colin Campbell, n’avait été qu’une opération extrême, imposée par les circonstances, faite pour délivrer une garnison héroïque, et suivie aussitôt de l’abandon de la résidence. La vérité est que la situation des Anglais semble aujourd’hui aussi difficile qu’elle l’a jamais été. Les soldats britanniques ont de tous les côtés des ennemis à combattre. Le royaume d’Oude tout entier est à reconquérir, et, ce qui est plus grave, l’insurrection, qui a commencé dans l’armée indigène, parmi les cipayes se propage aujourd’hui dans la population. Une partie de l’Inde est un vaste champ de bataille où l’Angleterre n’occupe que le sol qui est sous ses pieds, et il n’est point douteux qu’un immense effort ne soit désormais nécessaire pour rétablir dans son premier prestige et dans sa force première la puissance anglaise dans l’empire indien.

Un changement presque prévu depuis quelque temps vient d’avoir lieu à Turin ; mais ce changement, qui s’est accompli sans crise réelle et sans secousse, crée-t-il une situation : nouvelle ? Rien ne l’indique jusqu’ici ; il y a un homme de moins dans le cabinet piémontais, et la politique reste ce qu’elle était. M. Ratazzi a quitté la position ministérielle qu’il occupait ; c’est M. de Cavour lui-même qui s’est chargé du ministère de l’intérieur, et un autre membre du cabinet, M. Lanza, est passé aux finances. Cette modification semble s’être accomplie d’un commun accord et tout-à-fait de bonne intelligence. M. Ratazzi a déclaré dans le parlement qu’en quittant le pouvoir pour faire taire des accusations ou des préventions injustes, il ne cessait, comme député, d’être attaché à la politique du ministère. Le fait le plus clair, c’est que la force, la signification et l’importance du cabinet de Turin se concentrent de plus en plus en M. de Cavour, et le président du conseil saura sans nul doute conduire heureusement le Piémont dans la situation qui lui est faite, en maintenant une politique prudente et sensée à travers les passions et les rivalités des partis. Sans affaiblir M. de Cavour, la retraite de M. Ratazzi le laisse peut-être plus libre sous quelques rapports, et c’est là sans doute le seul point à noter.

Les crises sont malheureusement plus fréquentes et moins faciles à dénouer en Espagne, outre qu’elles tiennent à une infinité de causes plus confuses. Un nouveau ministère s’est formé à Madrid, c’est là le premier fait à remarquer. Le dernier ministère présidé par le général Armero, n’a pu se soutenir et mettre à exécution son dessein de dissoudre le congrès. D’un autre côté, ce n’est point M. Bravo Murillo, élu président de la chambre, qui a été appelé par la reine : c’est M. Isturitz qui a reçu la mission de composer un ministère, et ce ministère existe ; mais est-ce là un dénoûment dans la situation actuelle ? On sait comment la lutte a pris naissance : elle s’est engagée entre le dernier cabinet, accusé d’inclinations trop libérales et les oppositions de toute nature qui se sont coalisées dans le congrès ; le nom de M. Bravo Murillo a servi de drapeau. L’opposition a réussi en portant à la présidence le candidat de son choix. Tout n’était point dit encore cepen-