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titres. Les sociétés de crédit ont un capital de 560 millions. Les compagnies d’assurances ont été créées avec 287 millions de capital, et leurs actions ont atteint un taux bien autrement important. Les compagnies de gaz, d’eaux de navigation, de mines, de glaces, de sucrerie, de métallurgie, de télégraphie les sociétés immobilières fondées dans ces dernières années, toutes les compagnies financières en un mot, représentent, avec celles qui datent d’avant 1836, un total de 13 millions d’actions en nombre et de 4 milliards de francs en valeur de souscription ; et de 3 milliards d’obligations en nombre avec une valeur de 1,432 millions de francs émis. Toutefois, dans ce total, dont 351 sociétés anonymes absorbent à elles seules près de 2 milliards, la part du passé est très minime, de telle sorte que les 7 milliards de francs valeur d’émission des actions et obligations de ces diverses sociétés en commandite doivent être considérés, en presque totalité, comme un accroissement réel de la richesse industrielle du pays. Il y aurait encore d’ailleurs, pour avoir une idée complète de cet accroissement, à tenir compte de toutes les entreprises particulières que l’industrie et le commerce ont tentées sous la forme de sociétés en nom collectif, et qui ne figurent point par conséquent dans les chiffrés précédens.

Il est impossible, on ne saurait trop le répéter de tirer de ces calculs une conclusion parfaitement nette. Si l’on a pu circonscrire dans des limites assez exactes le mouvement de la spéculation sur les valeurs de bourse[1], on n’arrive pas à préciser de même les progrès du commerce et de l’industrie et à mettre en regard la marche parallèle de l’agiotage et du travail. Néanmoins il y a dans les résultats de l’activité industrielle en France depuis vingt années de quoi rassurer ceux qui ne se paient ni de mots ni de sentimens préconçus, et à côté de la spéculation, dont les élémens tendent visiblement à s’améliorer, les affaires réelles se sont développées dans une proportion qu’on pourrait se permettre de croire non pas seulement égale, mais très supérieure, — les chiffres même en font loi.

Ce n’est pas tout, et il ne faudrait pas seulement tirer de ce rapprochement un argument contre les arrêts portés par ceux qui confondent le mouvement fécond des affaires avec l’agitation stérile et coupable du jeu proprement dit. Il serait bon encore de prouver que l’industrie, en développant une activité si grande, n’a pas outrepassé ses forces et s’est inspirée de plus en plus de principes vrais et de sentimens généreux. Quel est le caractère de l’industrie moderne ? On retourne souvent contre elle l’argument invoqué plus

  1. Il est presque inutile de faire observer que les valeurs cotées à la Bourse ne sont pas le seul aliment de la spéculation : toutes les marchandises, les cotons, les blés, les esprits, etc., donnent lieu à des affaires de spéculation pure, à terme et à prime, aussi bien que la rente et les actions de chemins de fer.