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se trouver, comme cela nous est arrivé, à l’orifice d’une houillère qui a été récemment le théâtre d’une explosion. Un jour où même une heure auparavant, elle offrait le spectacle d’une dévorante activité et d’une évidente prospérité, dont les signes se manifestaient partout. Les paniers de charbon montaient continuellement, et, étaient versés en toute hâte dans les wagons bruyans, après avoir été lancés sur les treillis sonores des grands cribles. Hauts étaient les appels des hommes, les chants et les rires des jeunes gens, et la grande et lourde machine à vapeur ne cessait de pomper et de tirer avec des soupirs, des gémissemens et des mouvemens de géant. Maintenant tout est immobile, silencieux, tout inspire l’effroi. Un ou deux mineurs graves et attristés attendent le directeur à l’entrée de la mine. La machine à vapeur est sans bruit ; les molettes qui surmontent le puits, dont la rotation continuelle attirait les regards, ne font plus aucune évolution ; les wagons reposent inutiles et en désordre. Par extraordinaire, les jeunes gens et les enfans sont vus pleurans ; les chaumières des mineurs sont fermées comme si ce jour était un dimanche.

« Descendons maintenant avec le directeur : combien la mine est différente d’elle-même ! Au bas du puits, où l’on trouvait d’habitude un groupe de mineurs fumant et plaisantant, tout est silencieux. Nous descendons du panier qui nous a amenés sans que nul vienne nous aider de son complaisant appui. À peine avons-nous fait quelques pas dans la mine, que nous reconnaissons les traces de la catastrophe. Aucun mouvement ne se produit. Les galeries, autrefois si encombrées, sont libres et sans bruit. Un convoi entier de wagons de charbon est au repos sur le chemin de fer. Aucun cheval, aucun conducteur ne paraît. L’explosion a eu lieu dans quelque partie éloignée de la mine. Nous voyons ça et là, en approchant, la faible lueur d’une lampe de Davy, tenue par un mineur qui cherche les cadavres de ses compagnons. Là, il nous faut passer sur une masse de pierres et de charbons qui ont été renversés par la force de l’explosion. Plus loin, les parois de la galerie portent les traces du passage du gaz enflammé. Nous rejoignons enfin ceux qui cherchent à retrouver les corps de deux ou trois mineurs qui doivent avoir péri en cet endroit. D’énormes blocs du toit ont été arrachés par le grisou, auquel ils faisaient obstacle ; on a pioché et enlevé une partie des décombres pendant plusieurs heures. La scène est éclairée faiblement par nos trois ou quatre lampes, que nous levons de temps en temps pour jeter sur ces décombres un coup d’œil inquiet. Au bout d’une demi-heure, nous faisons une découverte, particulièrement émouvante pour ceux qui ne sont pas accoutumés à de semblables spectacles : nous apercevons une masse noire et inerte qui a toute l’apparence du charbon ; mais il est reconnu que c’est un cadavre, et une inspection minutieuse prouve clairement en effet que ceci a été un homme vivant. Nous nous bornerons à dire que cette masse est décemment enveloppée et montée au jour. Pour nous, cette scène nous fait mal ; d’ailleurs la place n’est pas sans danger, car les terribles effets de la catastrophe ont ébranlé le toit et déplacé les étais. Le fracas subit que nous avons entendu une ou deux minutes auparavant était produit par la chute du charbon dans la galerie même que nous venions de traverser. »


Le grisou, produit peut-être lors de la fermentation qui a dû accompagner