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profondément émus que cette présence simultanée et incontestable (au milieu de bancs de grès et de schistes renfermant des couches d’anthracite et subordonnés au calcaire supérieur du lias) de coquilles fossiles qui caractérisent les terrains jurassiques et de végétaux fossiles particuliers au terrain houiller. Cette anomalie, qui semble venir donner un démenti à la théorie, si universellement consacrée par la pratique, de la superposition fondamentale et constante des formations géologiques, a servi de prétexte à quelques savans pour infirmer le caractère de généralité qui est ordinairement attribué aux lois de la paléontologie. D’autres, se refusant à reconnaître un fait aussi contraire aux principes les plus essentiels de la géologie, sont disposés à laisser à l’avenir le soin de démontrer un renversement local de couches appartenant les unes au terrain jurassique, les autres au terrain de transition. D’autres encore prétendent que le terrain anthracifère des Alpes est véritablement un terrain houiller dans lequel auraient vécu des mollusques de la période liasique, tandis que l’auteur d’un utile ouvrage sur les combustibles minéraux[1] préfère supposer un phénomène local et exceptionnel produisant dans la région alpine une réapparition anormale des conditions de température propices à la végétation anthracifère. Je bornerai là mes indications sur le conflit d’opinions qu’a suscité le terrain carbonifère des Alpes[2]. Il me suffira de dire, en terminant, que M. Adolphe Brongniart, le botaniste paléontologue, après avoir constaté la complète identité de la flore du terrain anthracifère des Alpes, entièrement différente de celle du terrain jurassique, avec la flore d’un terrain houiller quelconque, ne penche pas pour l’âge récent du combustible litigieux, tandis que M. Élie de Beaumont, qui a tout d’abord émis l’idée qu’il appartenait à la formation jurassique, n’a jamais cru devoir modifier sa première opinion. L’éminent secrétaire perpétuel de l’Académie des Sciences a pensé que les débris animaux méritaient en cette occurrence une plus sérieuse attention, et, rappelant ces graines du Mexique qui viennent s’échouer sur les côtes de la Norvège, a fait remarquer combien il était permis de supposer l’arrivée, par des courans, de débris végétaux qui se trouvaient au fond d’une mer lointaine. La superficie de la région anthracifère des Alpes peut être évaluée à 900,000 hectares, c’est-à-dire à la moitié environ de la surface totale des terrains houillers de la Grande-Bretagne, de la Belgique et de la France, et à près de trois fois la superficie de nos seuls bassins ; mais la discontinuité des dépôts de combustible, parfois d’ailleurs d’une épaisseur considérable,

  1. De la Houille, par A. Burat, 1 vol. in-8o.
  2. On le trouvera exposé tout au long dans le Bulletin de la Société géologique de France, qui s’est occupée maintes fois, et tout récemment encore, de cette question si intéressante au point de vue géologique.