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De-, il y a eu une sorte de retraite successive. Les transactions de 1815 laissaient déjà la porte ouverte à plus d’une interprétation. L’acte définitif de navigation promulgué plus de dix ans après restreignait singulièrement la liberté dans la pratique ; il finissait, à vrai dire, par n’admettre tous les pavillons que dans les eaux maritimes. Il y a donc une sorte de conflit entre le principe qui a été à l’origine dans la pensée de l’Europe et l’application qui en a été faite. D’un côté est la liberté des fleuves, de l’autre une tendance incessamment restrictive, cachée sous le voile d’une réglementation nécessaire. L’acte récemment adopté à Vienne est loin de revenir au principe libéral qui a été le premier point de départ dans cette question ; il ne ferait que consacrer, si ce n’est aggraver le système des restrictions par des mesures habilement calculées. Il crée des facilités matérielles peut-être, mais en limitant le droit de navigation. L’objet bien évident de cet acte est de fermer le plus possible le Danube aux pavillons étrangers. Il est même un fait curieux qui ressortirait de ces arrangemens. Au moment présent, il y a un commerce de cabotage assez considérable fait à l’embouchure du Danube par des bâtimens de toute nationalité. Ce cabotage serait désormais réservé exclusivement aux riverains, de telle façon que le commerce général perdrait en réalité plus qu’il ne gagnerait. Il serait dépouillé d’un avantage existant pour le bénéfice illusoire ou affaibli dans la pratique de pouvoir remonter le Danube à travers toute sorte de gênantes restrictions. L’Autriche trouve dans ces combinaisons une garantie de l’extension de son commerce ; les autres peuples n’y peuvent trouver que des améliorations douteuses ou peu sensibles. Tel serait un des résultats de la dernière guerre, et il ne laisserait pas d’être assez étrange. Voilà comment les avantages péniblement conquis se répartiraient en proportion des sacrifices de chacun des états ! Les autres gouvernemens européens sanctionneront-ils ces arrangemens, s’ils sont réellement dominés, ainsi qu’on le dit, par cet esprit restrictif ? La France, l’Angleterre, la Russie, la Prusse, la Sardaigne, n’ont évidemment qu’un même intérêt, qui consiste à faire prédominer le plus possible un principe libéral, et, comme on voit, s’il y a entre l’Angleterre et l’Autriche des points d’affinité, il y a aussi, même dans la question d’Orient, des points où elles se heurtent et sont en antagonisme.

À travers ces affaires communes de l’Europe, qui sont plus propres à mettre en relief des diversités de politiques et à créer des troubles passagers qu’à déterminer des combinaisons durables ou à produire des ruptures, l’Angleterre ne cesse pas d’avoir sa préoccupation de l’Inde. L’insurrection indienne est plus qu’un grand intérêt pour les Anglais, c’est une émotion patriotique et nationale. Tout semblait s’éclaircir récemment dans les choses de l’Inde. Le général en chef, sir Colin Campbell, avait dégagé la résidence de Lucknow ; il avait livré des combats heureux. Des renforts arrivaient chaque jour. Dehli et Lucknow, ces deux victoires semblaient indiquer le déclin de l’insurrection. Rien n’est compromis assurément aujourd’hui, et au fond la situation reste la même ; seulement sir Colin Campbell a été obligé de quitter Lucknow et de se replier vers Cawnpore. Il a délivré un moment une citadelle assiégée et sauvé des Anglais cernés par les insurgés ; il n’a pas conquis une position. Le général Windham, vainqueur dans un combat sou-