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la facilité de descendre à terre, telles furent les demandes adressées par l’amiral Stirling, qui nous commandait, aux autorités coréennes. À ces demandes, on ne répondit que par un refus hautain et absolu. Plantées sur la limite du rivage dès que nos embarcations s’approchaient de terre, les bannières des mandarins nous avertissaient que toute communication nous était interdite ; des soldats en armes semblaient prêts à opposer la force à -la force, si nous avions tenté de franchir ces barrières. L’intention de l’amiral anglais n’était point de s’engager dans une agression dont l’issue n’eût cependant pas été douteuse. Après un séjour de vingt-quatre heures dans cette rade inhospitalière, nous appareillions tous pour Nagasaki sans avoir même achevé nos reconnaissances hydrographiques. La relation de cette visite, la nouvelle de notre départ, transmises à la capitale, durent donner aux mandarins de Séoul une excessive confiance dans leur sagesse, et les confirmer dans les traditions de leur politique d’exclusion et d’isolement.

Un an après cette relâche à Chosan, au mois de juillet 1856, nous mouillions de nouveau, mais seuls cette fois, dans un des ports coréens, dans la baie de Young-hin. Notre but réel ou apparent était la reconnaissance de ces parages inexplorés, et nous commencions nos travaux par le point extrême situé au nord-est de la péninsule coréenne. Il était à craindre toutefois que les autorités du pays, fidèles aux traditions de leur politique et encouragées par leur succès de l’année précédente, ne cherchassent à entraver nos opérations ; il fallait donc adopter dès le début une ligne de conduite qui tranchât toutes les difficultés. Cette ligne de conduite fut ainsi formulée aux autorités de la ville de Young-hin.


« Nous venons en amis dans votre pays et nous agirons comme tels tant que votre conduite ne nous forcera pas à devenir vos ennemis. Nous voulons respecter vos usages, vos habitudes et vos lois ; mais en dehors des lois particulières à chaque nation, il en est d’autres qui sont générales et qui obligent tous les peuples de l’univers : ce sont les lois de la justice et de l’humanité. Après une longue campagne, nous avons besoin de renouveler nos provisions d’eau, de bois et de vivres frais ; vous devez nous les fournir, mais nous paierons exactement et à un prix avantageux pour vous tout ce que nous prendrons. Nos hommes ont besoin de descendre à terre. Enfin, dans l’intérêt de la science, dans celui de la sécurité de nos navires qui traversent chaque année les mers qui baignent votre pays, nous devons en faire la reconnaissance hydrographique. Tels sont nos besoins, telles sont nos intentions : ils ne sont en rien opposés à la justice. Consentez donc à nos demandes ; mais si vous y opposez une résistance quelconque, soyez sûrs que cette résistance sera inutile. »


Ces demandes, quelque simples qu’elles fussent, ce raisonnement dont on ne pouvait contester là logique, inversaient pourtant toutes