Page:Revue des Deux Mondes - 1858 - tome 13.djvu/465

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

à l’embouchure du fleuve, qu’eut lieu la première entrevue des plénipotentiaires anglais et chinois au début des hostilités de 1840. Les reconnaissances qui furent exécutées à cette époque, aussi bien que les renseignemens fournis par le voyage du docteur Gutzlaf en 1833, décidèrent sans doute en 1840 les chefs de l’expédition anglaise à choisir un autre théâtre d’action, bien qu’ils semblent avoir eu tout d’abord l’intention d’arriver à Pékin par cette route, la plus directe d’ailleurs.

Les progrès réels et incontestables que les Chinois ont faits dans l’art de la guerre depuis cette époque, l’esprit de résistance énergique qui les anime, les préparatifs déjà commencés pour repousser un débarquement, ajoutent de nouvelles difficultés à celles qui ont une première fois arrêté les chefs de l’armée anglaise. N’oublions pas non plus les obstacles que présente la navigation dans le golfe de Pe-tchi-li, navigation presque impossible d’octobre en avril, et que nous connaissons pour l’avoir expérimentée. La grande artère commerciale de la Chine est ou plutôt était, à cause même des dangers de ces parages, le Yang-tz’-kiang et le Grand-Canal ; de Hang-chu-fu à Ching-kiang-fu, de Ching-kiang-fu au Hoang-ho, du Hoang-ho à Tien-tsin, de Tien-tsin a Pékin, telles étaient les principales étages de la route que prenaient autrefois les jonques sans nombre chargées de porter à la capitale les impôts et les productions des provinces occidentales et méridionales de l’empire. Aussi la prise de Ching-kiang-fu (le grand marché du fleuve) décida-t-elle le gouvernement de Tao-kwang à fléchir devant les armes victorieuses de l’Angleterre. Le blocus du Grand-Canal, ordonné par M. Rutherford Alcook, consul d’Angleterre à Shang-haï, décida de même le taoutaï de cette ville à consentir à toutes les réparations qu’exigeait l’agent britannique. Toutefois l’insurrection victorieuse des Taï-pings, l’établissement du siège de leur empire à Nankin et l’occupation de Ching-kiang-fu par leurs bandes ont singulièrement diminué l’importance politique de cette grande voie de communication. Et quand même on contestera l’exactitude des rapports qui ont annoncé la destruction matérielle du Grand-Canal entre Ching-kiang-fu et le Hoang-ho, la présence de forces européennes dans l’ancienne province de Kiang-nan n’aurait plus aujourd’hui l’effet décisif, que cette opération a obtenu dans la première guerre. Les obstacles que ces forces auraient à vaincre se compliqueraient d’ailleurs des relations politiques que leur présence établirait nécessairement entre les gouvernemens occidentaux et la dynastie Taï-ping.

Ce tableau rapide du théâtre de la guerre suffit pour montrer les difficultés qu’aurait à, vaincre une armée européenne avant d’arriver à Pékin, difficultés dont les campagnes de la première guerre ne peuvent donner qu’une idée inexacte. L’armée anglaise, jusqu’à