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des devoirs et le plus impérieux des besoins ?… Quelques jours de ce calme trompeur qui précède les orages, puis une longue série de désastres, voilà ce qu’il me reste à raconter pour clore le récit de mon éducation maritime.

Une fois de retour à la pointe méridionale de la terre de Van-Diémen, nous ne voulûmes quitter le théâtre de notre découverte qu’après l’avoir exploré dans toutes les directions. Nos embarcations pénétrèrent jusqu’au fond de tous les bras de mer qui venaient aboutir à cet admirable canal que la Truite et la Durance avaient traversé les premières. Lorsqu’après quarante jours d’explorations patientes nous quittâmes la baie de l’Aventure, où nous avions tenu à honneur de jeter aussi l’ancre, nous avions imprimé à la mer intérieure dans laquelle seuls encore nous avions pénétré la trace indélébile de notre passage. L’exploration de la partie méridionale de la terre de Van-Diémen appartient tout entière à l’hydrographie française ; mais c’est un chirurgien de la marine britannique qui a eu le bonheur de résoudre le problème dont nous avions dû abandonner la poursuite. Parti de Sydney dans une frêle embarcation, Bass traversa le premier le détroit qui gardera éternellement son nom. Il constata ainsi la séparation de la Nouvelle-Hollande et de la » terre sur laquelle, le 24 novembre 1642, avait abordé Tasman. Le lieutenant Flinders compléta cette importante découverte en franchissant le détroit de Bass sur la goélette Norfolk, et en ne rentrant à Sydney qu’après avoir fait le tour de la terre de Van-Diémen. Quant à nous, d’autres soins allaient nous éloigner des mers australes : des complications imprévues devaient nous empêcher à jamais d’y revenir. De même que nous avions exploré une seconde fois la terre de Van-Diémen, nous étions résolus à explorer de nouveau l’Océanie. Nous voulions y décrire le même cercle autour de la Nouvelle-Hollande, mais en élargissant ce cercle vers l’est d’environ trois cents lieues, afin d’y comprendre l’archipel des Tongas, auquel le capitaine Cook, entre toutes les îles de l’Océanie centrale, avait réservé le nom d’archipel des Amis.

Les îles Tongas, découvertes par Tasman en 1643, avaient été retrouvées par Cook cent trente ans plus tard. Lapérouse n’avait fait que les entrevoir ; mais l’illustre capitaine anglais, invinciblement attiré vers ce doux rivage, y avait reparu trois fois et y avait fait en 1777 un assez long séjour. La description qu’il avait tracée de Tonga-Tabou, l’île souveraine de tout cet archipel, était si séduisante qu’elle avait détrôné Taïti dans l’imagination des jeunes navigateurs. Tonga-Tabou, c’était en effet une autre Taïti, mais Taïti dans toute son innocence et toute sa fraîcheur, la nouvelle Cythère de Bougainville avant le passage de Wallis. Aussi ce nom