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des passions ecclésiastiques éclata de plus belle. Chacun des quatre ordres (noblesse, clergé, bourgeois, paysans) devait envoyer quatre membres à ce comité ; le clergé se fit représenter par les prêtres les plus obstinément fanatiques, par les sectaires les plus inaccessibles aux sentimens de la mansuétude évangélique comme aux principes de la liberté moderne. L’action de ces hommes devait être grande, et elle le fut. Leur caractère officiel dans un pays où l’état n’est pas séparé de l’église, leurs convictions altières rendues plus intraitables encore par le sentiment de l’intérêt menacé, la parfaite connaissance qu’ils avaient du terrain, leur talent de parole, et, s’il est permis de le dire, leur habitude des intrigues cléricales, tout leur promettait la victoire au sein du comité. Assurés déjà du concours des paysans, ils n’avaient plus qu’à gagner une seule voix dans l’ordre de la noblesse ou dans celui des bourgeois. En vain l’organe des libéraux, l’Aftonblad, redoubla-t-il d’efforts et de vigilance pour faire pénétrer dans les esprits les principes du droit commun ; cette discussion, par laquelle ce vaillant journal a conquis de nouveaux titres à l’estime de l’Europe, ne put triompher de l’influence ecclésiastique : non-seulement le projet de loi concernant une liberté de religion plus étendue fut repoussé dans le comité législatif par une majorité de cinq voix, mais le comité rédigea un contre-projet qui rétablissait avec une rigueur plus formelle encore la pénalité de 1687. C’est ainsi que la libérale proposition du roi Oscar, mutilée par le tribunal suprême, condamnée d’avance par le comité législatif, se présentait devant la diète. Il n’était pas difficile de prévoir le sort qui l’attendait. Au moment même où la diète allait être saisie de la question, le ministre des affaires ecclésiastiques, M. le docteur Anjou, publiait une protestation très vive contre la proposition royale. Ce seul fait révèle la puissance occulte et extraordinaire de cette oligarchie cléricale qu’on appelle l’église luthérienne de Suède. On prétend à Stockholm que M. le docteur Anjou vise à l’archevêché d’Upsal, et en vérité comment expliquer sa conduite sans un motif d’ambition personnelle ? Comment comprendre qu’un ministre, au lieu de se démettre de ses fonctions, proteste contre une proposition du roi qui l’a choisi pour son agent, contre un acte du ministère dont il fait partie ? Parmi les épisodes d’une discussion qui nous transporte si loin de nos idées et de nos mœurs, la conduite de M. le docteur Anjou, quelle qu’en puisse être la secrète explication, n’est certes pas l’incident le moins bizarre.

Les débats sur la proposition royale ont été ouverts devant l’assemblée générale de la diète le lundi 19 octobre 1857 : c’était la première fois que cette assemblée se réunissait. D’après la constitution de 1809, les débats ont lieu séparément dans les salles affectées à chacun des quatre ordres. Il y a quelques mois seulement, plusieurs membres du comité de législation demandèrent que dans certains cas, lorsqu’il s’agirait de questions fondamentales, les quatre ordres pussent discuter en commun. La diète approuva la proposition qui aujourd’hui a force de loi. La première application du nouveau