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du roi Oscar ; je mettrai en face de ces paroles celles que la Suède prononçait à l’époque où elle suivait l’impulsion de la pensée allemande, et l’on verra quel tort a causé au pays de Gustave-Adolphe l’interruption de ses rapports intellectuels avec le pays de Lessing et de Goethe.

On sait que le 2 octobre 1856 le roi Oscar, ouvrant la diète suédoise dans son palais de Stockholm, avait prononcé un discours où se trouve le passage suivant : « Une tolérance éclairée pour la croyance d’autrui, basée sur l’amour du prochain et inspirée par une conviction devenue inébranlable, forme l’essence des dogmes de l’église protestante. Il est digne d’un peuple dont le grand roi Gustave-Adolphe combattit pour la liberté de la pensée et des consciences, laquelle il scella de son sang, de suivre son exemple et de marcher sur ses traces. Les anciennes lois qui entravent encore la liberté des cultes doivent donc disparaître, afin que la loi commune soit mise en harmonie avec le seizième paragraphe de la constitution. Des projets tendant à abolir la peine de l’exil et à introduire différentes améliorations dans le code criminel vous seront communiqués. » Ces anciennes lois dont parle le roi Oscar, ce sont les lois publiées en 1687 par Charles XI, lois barbares qui prononcent la confiscation, le bannissement, la mort civile contre quiconque se sépare de l’église officielle. Quant au seizième paragraphe de la constitution, invoqué par le roi, il est conçu ainsi : « Le roi doit appuyer la justice et la vérité, prévenir et empêcher la violence et l’injustice, ne point léser ni permettre de léser qui que ce soit dans sa vie, son honneur, sa liberté personnelle ou son bien-être, s’il n’est légalement convaincu et condamné… Il ne doit forcer la conscience de personne ni permettre qu’elle soit forcée, mais maintenir chacun dans le libre exercice de sa religion aussi longtemps qu’il ne trouble point le repos public ou ne donne pas de scandale. » Le roi Oscar, en proposant à la diète l’abolition de la loi de 1687, obéissait donc à une prescription formelle de la constitution de 1809, loi fondamentale de l’état. La loi de 1687 violentait les consciences ; le paragraphe 16 de la constitution de 1809 défend au roi de forcer la conscience de personne ou de permettre qu’elle soit forcée. Assurément le roi remplissait un devoir impérieux, et, à ce qu’il semble, un devoir tout simple en effaçant l’iniquité de la vieille législation luthérienne ; s’il y avait une chose dont on devait s’étonner, c’était que de 1809 à 1856 cette iniquité, ouvertement condamnée par la constitution, ait été maintenue par l’usage dans le droit public. La suite des choses a prouvé que ce devoir n’était pas si simple ; la discussion du projet royal, le fanatisme du clergé, l’ignorance des paysans, l’hésitation de la noblesse, les inutiles efforts des bourgeois, et finalement le triomphe des passions d’un autre âge contre l’esprit de la société moderne, ont assez mis en lumière tout ce qu’il y avait de courageux et de vraiment libéral dans l’initiative du roi de Suède.

La proposition royale portait ce titre : Loi concernant une liberté de religion plus étendue et certaines matières y relatives. Elle fut soumise d’abord