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encore la mort d’un grand nombre de fuyards. À cinq heures du soir, tout était fini ; mais quelques jours après survint une nouvelle éruption plus terrible. Elle commença la nuit, vers neuf heures ; le volcan se remit à vomir de la boue et de l’eau chaude. Les habitans se réfugièrent sur de petits monticules formés à la suite d’éruptions plus anciennes et disséminés en très grand nombre au pied de la montagne ; mais l’inondation finit par emporter presque tous ces obstacles, et 2,000 personnes périrent encore au milieu des eaux ; d’autres moururent de faim sur les monticules qui résistèrent au courant, et où ils demeurèrent abandonnés. Les natifs qui échappèrent à cette catastrophe ne retrouvaient plus sous les débris accumulés la place de leurs villages disparus. Les torrens boueux de la nouvelle éruption laissèrent pour trace dernière une énorme quantité de monticules : il y en a au moins dix mille disséminés sur le trajet du courant ; il reste aussi un certain nombre de monticules anciens, et comme ils sont plus éloignés du sommet de la montagne, on peut en conclure que le volcan avait vomi auparavant des masses d’eau encore plus considérables. Aujourd’hui on reconnaît à peine dans le Gelung-Gung la trace d’un cratère. La crête en est complètement démantelée : tout est recouvert par d’épaisses forêts ; seulement au-dessus du manteau de verdure s’élève lentement un nuage blanchâtre. On aperçoit de très loin ce panache de vapeurs qui s’incline doucement sous la brise et couronne éternellement le redoutable sommet.

Le mont Relut est un des volcans les plus actifs de Java ; il a fait éruption en 1811, en 1826, en 1835, en 1848. Tous les flancs de la montagne sont recouverts par un sable gris et fin, sur une épaisseur de 50 mètres environ ; on arrive au sommet en suivant les vallées d’érosion qui y sont creusées et sont découpées en terrasses régulières, de plus en plus étroites à mesure qu’on s’élève. Ces vallées indiquent la marche et le niveau des inondations qui ont suivi les grandes éruptions. En 1826, le volcan du Relut fit éruption en même temps que le cône de Pakuadjo, bouche aujourd’hui active du volcan Dïeng, qui s’élève à une très grande distance du Kélut. Des torrens d’eau chaude acide et corrosive, entraînant une grande quantité de sable, descendirent par toutes les vallées et détruisirent partout les forêts et les sawahs ; la boue arriva encore chaude et fumante sur les pentes inférieures de la montagne. En 1835, il sortit de nouveau du volcan d’énormes jets d’une eau chaude et acide qui s’écoula de même par les vallées d’érosion. L’éruption de 1848 fut plus violente ; les détonations qui l’accompagnèrent furent entendues dans une grande partie de l’archipel indien, jusqu’à Macassar et dans les Célèbes : chose singulière, on n’entendit rien à Batavia.