Page:Revue des Deux Mondes - 1858 - tome 13.djvu/247

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

dépassé de 2 millions de florins le service des dépenses ; l’exercice de 1857 est dans les mêmes conditions. Le budget de 1858 est voté avec un excédant prévu de recettes. Il en résulte que d’un côté le gouvernement peut continuer les opérations d’amortissement de la dette, opérations qui ont elles-mêmes l’avantage de soulager le budget des dépenses, et que d’un autre côté il peut songer à diminuer les contributions publiques. Le gouvernement et les chambres sont d’accord pour entrer dans cette voie. La seconde chambre, avant de se proroger, a voté une proposition qui admet le principe de l’abolition des droits sur l’abatage ; mais ces questions, qui impliquent le remaniement de tout le système d’impôts, ont paru assez graves pour être ajournées à de prochaines délibérations. À vrai dire, si dans ces débats il y a eu quelque ressouvenir des luttes qui ont agité le parlement hollandais l’an dernier, c’est à propos du budget des dépenses militaires. Le ministre de la guerre, M. Forstner de Dambenoy, s’est fait plus d’une querelle avec les chambres pendant son passage au pouvoir. Il y a un an, son budget n’était adopté qu’avec peine, à la faible majorité d’une voix. Aujourd’hui encore il a eu de nouveau à essuyer le feu de l’opposition, moins au sujet de l’importance de l’armée active qu’en raison des dépenses de fortifications considérées comme exagérées. Une fois de plus, le budget de la guerre s’est trouvé fort compromis. M. Forstner de Dambenoy a essayé de le sauver-en se sacrifiant lui-même, en venant déclarer que son grand âge et sa santé lui faisaient un devoir d’offrir au roi sa démission. Le budget de la guerre n’a pas moins été définitivement rejeté, et cela ne pouvait que hâter la retraite de M. Forstner de Dambenoy, qui a eu pour successeur M. van Meurs, chef de l’une des directions de l’artillerie. Après cette petite péripétie, la chambre s’est hâtée d’assurer par le vote d’un crédit le service de la guerre pour six mois. Ces faits parussent-ils peu importans, ils prouveraient encore que la Hollande a retrouvé le bienfait de la paix politique, et qu’elle entre dans une année nouvelle avec de nombreux gages de sécurité, parmi lesquels ce peuple prudent place aujourd’hui la prochaine majorité de l’héritier présomptif de la couronne. Déjà des fêtes sont annoncées ; le jeune prince, qui le dernier automne faisait un voyage d’instruction dans la Méditerranée, continue en ce moment ses études à l’université de Leyde, dans ce savant établissement dont l’origine se lie aux traditions du Taciturne et se confond avec les souvenirs les plus chers aux Hollandais. Voilà donc un peuple qui marche régulièrement et sans trouble dans la voie que lui tracent ses libres institutions.

Certes l’esprit de désordre n’est point à jamais banni de l’Occident ; il peut faire encore de terribles et malfaisantes irruptions. Seulement en Europe toutes les puissances traditionnelles d’une vieille civilisation se coalisent en certaines heures de péril, et deviennent aisément une force préservatrice. En est-il de même dans le Nouveau-Monde ? Ici la civilisation est sans traditions. L’esprit d’anarchie et de violence, quand il éclate, ne trouve de limites ni dans les institutions ni dans les mœurs. La puissance elle-même, là où elle existe, est sans mesure et sans règle, comme on le voit trop souvent aux États-Unis. Le gouvernement a rarement la parole aux États-Unis ; il la prend du moins tous les ans à cette époque, lorsque le président publie son message. Il y a aujourd’hui un intérêt de plus dans celui