Page:Revue des Deux Mondes - 1858 - tome 13.djvu/237

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

de nouveaux points de vue théoriques pour les terrains qui constituent notre terre. Il paraît que l’eau chauffée à vapeur renfermée change de caractère physique, et M. Daubrée en a obtenu des produits non moins précieux pour la géologie que pour la chimie. Un des grands inconvéniens de ces belles recherches, c’est que la vapeur brise parfois les vases de fer qui la contiennent au grand péril de l’expérimentateur. Il faut donc recommander au physicien et au chimiste une prudence extrême, qui contraste souvent avec son impatience et avec sa témérité naturelles. Lorsque Napoléon Ier apprit la blessure grave qu’avait reçue Dulong en traitant le chlorure d’azote, il dit : « Bientôt on parlera du champ du laboratoire comme du champ de bataille. » Voilà donc entre les mains de M. Daubrée la voie humide produisant les minéraux, qui semblaient le plus éloignés d’une pareille origine. La température à laquelle M. Daubrée a opéré n’est pas celle de la chaleur rouge ; il a cependant obtenu bien des minéraux que l’on attribuait anciennement à la voie sèche et au feu. En poussant ces essais plus loin et en remontant par une plus forte chaleur à l’époque où la surface de notre globe était plus chaude qu’aujourd’hui, il est probable qu’il obtiendra de nouveaux produits analogues à ceux dont la nature semblait s’être exclusivement réservé la production. — Voilà du feld-spath. — Eh bien ! ce n’est pas un minéral très rare.— Mais il a été fait par une opération de laboratoire.— Oh ! alors cet échantillon est unique au monde !

On me demande aussi où en est l’aluminium, cette espèce d’argent léger et brillant que M. Sainte-Claire Deville a obtenu en masses considérables, grâce à une généreuse subvention de l’empereur, qui voulut encourager cette importante production d’un nouveau métal précieux. Tout le monde connaît l’argile ou terre glaise avec laquelle les sculpteurs modèlent les statues, qui sont ensuite reproduites en plâtre, en marbre et en bronze. C’est aussi avec l’argile que le potier de terre façonne les vases que le feu durcit ensuite et que sont formées les briques ordinaires, dont plusieurs villes, notamment Londres, sont exclusivement bâties. Eh bien ! l’argile cristallisée, transparente et diversement colorée, nous donne le saphir, le rubis et la topaze orientale, de même que le charbon cristallisé nous donne le diamant. Un chimiste allemand, M. Woehler, avait déjà tiré de l’argile quelques grains du métal qu’elle renferme, exactement comme la terre rouge, appelée ocre, renferme le fer. M. Deville, par des procédés admirables de laboratoire, et en opposant l’une à l’autre les affinités chimiques, a isolé le métal nouveau en grandes masses. Le résultat de pareilles recherches avait été ordinairement la découverte de métaux peu brillans, pulvérulens, cassans, impropres au travail du marteau et de la filière, tels que ceux que les anciens alchimistes appelaient demi-métaux, et qui leur semblaient des ébauches imparfaites de la nature. Le silicium et plusieurs autres parens de l’aluminium ne ressemblaient guère à l’argent, au cuivre, au platine, au fer, à l’étain ; l’aluminium s’est trouvé avoir presque toutes les propriétés utiles ou brillantes de ces anciens représentais de l’industrie et de la richesse, avec une légèreté incroyable. Il pèse quatre fois moins que l’argent. Il se prête à tous les ouvrages délicats de l’orfèvrerie, et ses alliages commencent à prendre un rang important dans les arts. Le kilogramme d’argent représente