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pendant six semaines ou deux mois au plus. C’est ce qui nous donne l’hiver, ou du moins les froids en France. Je crois que dans l’état normal c’est en janvier et en février qu’a lieu ce retour du vent sous-dominant. On peut donc raisonnablement attendre du froid à cette époque et des suicides en Angleterre. Comme ce sont toujours les indécisions du temps qui amènent de la neige, il est probable que nous en aurons peu cet hiver, et que par suite les sources et les ruisseaux seront peu abondans en eau l’été prochain. Après ces pronostics vivement réclamés, je prie le public de n’y pas croire plus que moi. Si je vois un peu plus clair que les autres en météorologie, ce n’est pas une raison pour ne pas me croire aveugle.

Le progrès scientifique le plus grand de l’année, et qui sera de plus en plus apprécié, c’est la réception à l’observatoire de Paris du tableau météorologique des diverses parties de la France entière, puis des pays adjacens, puis enfin de la Russie et de l’Algérie. M. Quételet, de Bruxelles, avait, comme moi-même, échoué dans la correspondance nécessaire à un si vaste dessein. C’est à la France qu’appartiendra en définitive l’honneur d’avoir eu la première le bilan météorologique du monde entier. Grâce à cette correspondance, qui devance les ailes du vent sur celles de la foudre (expression poétique pour désigner le télégraphe électrique), nous ne serons pris au dépourvu par aucune des crises atmosphériques qui vont se propageant graduellement de proche en proche. Un fait récent a prouvé la justesse des prévisions que j’émettais à cet égard dans la Revue. À la fin du mois d’octobre dernier, le télégraphe électrique signalait une menace d’inondation provenant des affluens de la Loire vers Blois et Tours. Le maréchal Vaillant, ministre de la guerre, dirigea des travailleurs militaires et des outils sur le point menacé, ce qui fit évanouir jusqu’à la crainte du danger.

L’année 1857 a été marquée par l’insuccès (qu’on me permette ce néologisme) du câble transatlantique. Comment croire en effet qu’un assemblage de fils de fer plus petit qu’une bougie ordinaire se laisserait étendre au fond d’une mer très profonde sans accident sur une longueur de mille à douze cents lieues ? Je dis et redis qu’il faut passer par le Groenland. J’ai de plus indiqué la Sibérie, le détroit de Behring, l’Amérique russe, l’Orégon et les États-Unis comme une voie très praticable pour la télégraphie électrique de Londres à New-York, en passant par Saint-Pétersbourg et la Californie. Le détroit de Behring est environ le double du Pas-de-Calais ; mais il est partagé en deux par les îles de Saint-Diomède. Donc nul obstacle de ce côté. J’apprends à l’instant qu’une concession de l’empereur de Russie autorise cette route télégraphique, qui ne laisse craindre aucune impossibilité. Peut-être le trajet par les îles Aléoutiennes, dont le climat est bien moins rigoureux, serait-il préférable. On peut observer que par les Kourilles les Aléoutes se relient avec l’embouchure de l’Amour, occupée par les Russes, au travers du petit détroit reconnu par Lapérouse, savoir la Manche de Tartarie. Ici, comme par le détroit de Behring, rien d’impossible, et de plus on n’aurait à franchir aucun des déserts de la Sibérie, puisqu’on arriverait sur l’Amour par le district des mines, en passant par les localités les plus peuplées de la Sibérie méridionale, qui sont à la latitude de la Belgique et de l’Angleterre. Remarquons que si on a échoué dans la pose du câble transatlantique, on y a