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DU
DRAME RELIGIEUX
EN FRANCE



I

Je veux rechercher pourquoi le drame religieux en France a une si petite part dans notre littérature[1]. Polyeucte, Esther et Athalie, voilà les seuls grands noms du drame religieux, qui semble être toujours resté une œuvre d’exception et d’élite. À quoi tient cette condition du drame religieux ? Est-ce la faute du génie français, plus disposé à la critique et même à l’incrédulité qu’à la piété ? Mais alors pourquoi ce génie incrédule n’a-t-il pas empreint notre littérature de sa marque et de son caractère aux XVIe et XVIIe siècles ? Pourquoi est-ce au théâtre seulement que son influence s’est fait sentir ? Et notez que le théâtre n’est pas irréligieux et impie ; il est profane, voilà tout. Il n’attaque pas, il exclut ou il oublie. Cette exclusion que le théâtre semble avoir prononcée contre le drame religieux, sans parti pris d’avance, sans préméditation, sans aucune marque d’impiété, doit tenir à des causes inhérentes à l’art dramatique, et qu’il est bon de rechercher.

Est-il vrai d’abord que le génie et le caractère français n’aient rien de religieux ? Si, trompés par le présent, nous nous laissions aller à croire que le génie et le caractère français ont un penchant

  1. Cette étude a son origine dans une suite de considérations exposées de vive voix par M. Saint-Marc Girardin dans une occasion récente, et qui, sous une forme plus durable, prennent aujourd’hui leur place dans l’ensemble des travaux consacrés par l’auteur à la littérature dramatique de notre pays.