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Madeleine sauta au cou du père Noël. — Embrassez-moi, père Noël, je suis décidée, dit-elle.

Une clarté si douce brillait dans ses yeux, il y avait sur son visage une expression si touchante de tendresse et de bonté, que le père Noël se sentit soulagé. — Elle le transformera peut-être, dit-il.

Madeleine voulut être la première à annoncer cette bonne nouvelle à Urbain. Elle s’attendait à une explosion de joie, à cet élan, à cette ivresse qu’elle éprouvait elle-même. — La mère Béru n’est pas sotte, dit-il, mon éditeur de Paris vient de m’écrire pour me demander un second recueil de mélodies; le premier a été enlevé: c’est ma fortune qui commence.

Le mariage d’Urbain et de Madeleine eut lieu un mois après. Il y eut beaucoup de monde à Saint-Louis le jour de la bénédiction nuptiale. Madeleine, émue, pâle et repliée en elle-même, marchait les yeux baissés. Urbain regardait de tous côtés pour voir si les grands fonctionnaires et les personnes riches qu’il connaissait étaient là. La curiosité les y avait attirés presque tous. Il poussa Madeleine du coude pour lui montrer le préfet. Le cœur de Madeleine était tout à la prière : elle ne vit que Dieu et son mari.

Un grand nombre de personnes s’étaient réunies dans la sacristie pour signer l’acte de mariage sur les registres de la paroisse. Parmi elles se trouvait le journaliste parisien auquel le receveur général avait présenté Urbain. — Monsieur, dit-il en saluant le nouveau marié, voici mon souvenir. Le bien que cet article dit de vos dernières productions n’est pas la moitié de ce que j’en pense.

Urbain prit le journal que lui tendait son ami de fraîche date; l’article était signé Paul Vilon. — Ne me remerciez pas, poursuivit celui-ci; vous m’avez rendu si heureux pendant une heure que je reste votre obligé.

Un jeune substitut tout nouvellement arrivé de Paris poussa le coude de Paul Vilon. — Est-ce bien sérieux ce que vous dites là? murmura-t-il à son oreille.

— Vous ne connaissez pas les musiciens, répondit Paul. Si on cesse de les abreuver d’éloges un instant, ils crient qu’ils ont soif. Pourquoi dirais-je la vérité à qui ne veut pas l’entendre? Je ne la dois qu’à ceux qui m’honorent d’une confiance sincère et que j’aime.

Tandis que Paul Vilon s’éloignait, Urbain lisait avec des éblouissemens l’article où ses mélodies étaient portées aux nues.

La semaine n’était pas terminée que déjà Urbain parlait de partir pour Paris. La mère Béru, qui comptait et recomptait du matin au soir les mille écus du père Noël, n’y voyait aucun obstacle. Le père Noël grondait tout haut, et Madeleine lui venait en aide tout bas; mais Urbain n’en voulait pas démordre. Un jour qu’ils se promenaient ensemble au bord de la Loire, le ciel était pur, le vent