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LA VOCATION
D’URBAIN LEFORT



I.

Il y avait en 184. à Blois un petit ménage d’artistes qui habitait une maisonnette avec un jardin, située à l’extrémité de la rue des Fossés, du côté de la campagne. Ce ménage se composait de trois personnes, un vieillard, un jeune homme, une servante. Tout le monde dans la ville connaissait le père Noël, Urbain et la vieille Catherine. Tous les jours, à huit heures, le père Noël sortait pour se rendre à Saint-Louis, où il était organiste; Catherine partait pour le marché, et Urbain restait seul au logis. Bientôt après, si la saison était belle, on entendait par la fenêtre ouverte les sons d’un piano. A onze heures, le père Noël rentrait, et on déjeunait. Vers midi, Urbain allait en course et ne revenait pas toujours exactement pour l’heure du dîner malgré les avertissemens de Catherine, qui ne manquait jamais de lui dire : «Eh! monsieur, ne faites pas comme hier! »

On ne voyait pas dix personnes par an dans la maison du père Noël. Il n’aimait pas à causer, et se bornait à rendre les saints que lui adressaient les paroissiens de la cathédrale. Les enfans se tenaient cois quand il passait; billes et toupies, rien n’allait plus. Il ne souriait guère qu’à la vue d’une jeune fille qui était sa pupille et qu’on appelait Madeleine. Elle avait dix-huit ans, et demeurait avec sa mère non loin du quai, à l’autre bout de la ville. Quand Madeleine sonnait à la porte, c’était fête au logis. On n’y travaillait plus. Les seules distractions du père Noël consistaient en longues