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l’avantage d’ajourner d’irritans débats, en laissant aux passions un peu plus de temps pour se calmer.

De toutes les époques de l’histoire, il n’en est peut-être pas qui ait avec notre temps plus d’analogies de tout genre que le xvie siècle, avec ses agitations, ses ardeurs puissantes et ses conflits. S’agit-il de ce travail profond des sociétés remuées par l’esprit d’innovation, le xvie siècle a la renaissance, la réforme, les guerres de religion, tous ces événemens à travers lesquels on voit surgir un monde qui n’est plus déjà le monde d’autrefois. S’agit-il de ces problèmes d’organisation européenne qui mettent aux prises les forces et les intérêts nationaux, qui touchent à ce qu’on appellerait maintenant l’équilibre des influences : le xvie siècle est rempli de l’éclat de ces luttes qui vont aboutir en France à la politique du roi de Navarre, devenu Henri IV, et à la politique du cardinal de Richelieu. Ici la scène change d’aspect, le chaos commence à s’éclaircir, et le xviie siècle s’ouvre. Moment de transition unique et curieux entre deux époques ! M. Michelet, dans des livres qui se sont succédé depuis quelques années, a parcouru toute cette route du xvie siècle en s’enivrant de l’air du temps, en prenant trop souvent des chimères pour des réalités. Aujourd’hui, dans un volume nouveau qu’il ajoute à son Histoire de France, il s’attache à ces deux noms, Henri IV et Richelieu, qui dominent le livre et lui donnent son titre. Henri IV en possession définitive de la royauté, pacifiant la France, méditant la réorganisation de l’Europe, vaguement menacé à travers tout et disparaissant subitement sous le poignard d’un fanatique obscur au milieu des plus grands projets ; Richelieu commençant à se révéler dans les conseils de la régente Marie de Médicis et se faisant hardiment sa place à côté de Bérulle pour reprendre bientôt, en la modifiant, la politique du Béarnais, — c’est là le tableau que trace M. Michelet. C’est dans ces limites, entre ces deux dates, 1598 et 1626, qu’il se renferme.

Ces noms de Henri IV et de Richelieu reviennent bien souvent dans les plus récens travaux d’histoire. Celui du Béarnais grandit ; Richelieu, sans être rabaissé, est peut-être moins admiré. À quoi cela tient-il ? C’est que si ces deux hommes ont travaillé à la même œuvre, qui est l’unité nationale, l’un apparaît trop comme un niveleur inflexible qui a préparé le despotisme royal en croyant n’abattre que les hautes têtes féodales, tandis que l’autre agissait en conciliateur, voulant ranimer et rallier toutes les forces de la France. C’est ainsi que ce roi gascon, devenu peut-être populaire d’abord par ses défauts, conserve une popularité qu’il méritait par ses vues politiques autant que par ses qualités humaines et bienfaisantes. L’auteur de Henri IV et Richelieu ne méconnaît pas ces différences. Son mérite, dans ce livre comme dans tous ceux qui l’ont précédé, est de donner une vive impression du temps. M. Michelet ne raconte pas les événemens ; il décrit, il peint d’un trait fantasque et brisé, ne négligeant aucun détail. Comme il a fouillé les plus petits secrets de l’histoire, il n’ignore pas, soyez-en sûr, à quel moment fut conçu le dauphin qui sera Louis XIII. Il a compté chaque pli de la figure du Béarnais, et de même il peint Marie de Médicis, Gabrielle, la maîtresse de Henri IV, le jésuite Cotton, Richelieu, Bérulle, le capucin Travail et les sorciers : peintures très vivantes, très capricieuses et souvent puériles quand