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quel aspect se présentent-elles ? Et d’abord y a-t-il ce qu’on pourrait appeler, ce qu’on appelait autrefois une agitation électorale ? Cette agitation, si elle existe, est de la nature la plus modeste, il en faut convenir. Dans la masse du pays, c’est à peine si le vote du 21 juin paraît éveiller quelque préoccupation. Dans les classes plus particulièrement politiques, on pourrait distinguer plutôt un certain sentiment de circonspection et de réserve, comme si elles se trouvaient en présence de l’inconnu ou d’un résultat trop aisément prévu. Le gouvernement lui-même semble craindre moins un entraînement trop vif que trop de désintéressement de la part des populations, qui seraient portées à s’abstenir pour cause de confiance absolue dans le régime actuel. La peur de l’anarchie, comme le remarque M. le ministre de l’intérieur, ne fut point étrangère aux élections de 1852. Si le pays redoute moins l’anarchie aujourd’hui, on ne peut pas dire qu’il n’ait peur de rien : accoutumé à être ballotté entre les extrêmes, il a toujours peur de quelque chose ; mais comme il a quelque peine à formuler ce qu’il éprouve, il ne s’émeut pas, il ne se jette pas avec emportement sur ce scrutin qu’on lui ouvre, et d’où sont sorties tour à tour des tempêtes et des acclamations enthousiastes. L’agitation, à vrai dire, ne dépasse pas certaines sphères, où se sont élevées des questions assez singulières et fort peu concluantes sur le degré de participation au vote ou sur l’abstention. Ceux qui ont élevé ces questions et qui rédigent des circulaires, ou épuisent leur génie de combinaison à composer des listes, semblent ne point apercevoir que tout est changée autour d’eux, qu’il peut y avoir une notable disproportion entre ce qu’ils veulent et ce qu’ils peuvent, entre leurs propres impressions et une certaine impression universelle. Pourquoi le pays, sans méconnaître l’importance du vote qui lui est demandé, s’émeut-il moins que ceux qui se croient en devoir de le pousser au scrutin ? Parce qu’il sent bien, en définitive, que les conditions ne sont plus les mêmes, et que, par suite des déplacemens de pouvoir qui ont eu lieu, tout consiste dans un résultat dont personne ne doute. Il ne faut point s’y méprendre : la vie politique n’est plus aussi active qu’elle Ta été ; elle n’a pas la puissance de propagation qu’elle a eue en d’autres temps, elle n’a ni les mêmes alimens, ni les mêmes ressources d’organisation libre. Que reste-t-il donc ? Il reste d’un côté un pouvoir puissamment concentré, présentant, appuyant ses candidats, et de l’autre une masse de neuf millions d’électeurs disséminés et sans lien. Certes le gouvernement laisse à qui veut se présenter la liberté de s’adresser aux électeurs, de même qu’il laisse aux électeurs la liberté de leurs suffrages. Toutes les candidatures sont possibles ; les candidats n’ont qu’à déposer une circulaire et un bulletin signés de leur nom pour pouvoir les distribuer. Il reste à savoir si ces candidatures, en dehors de certaines localités exceptionnelles, sont dans des conditions bien favorables et bien enviables. Elles ont à soutenir une lutte d’autant plus inégale, que l’organisation du suffrage, on ne l’ignore pas, a été considérablement modifiée, ainsi que le prouve le décret qui fixe les ciconscriptions électorales.

C’est ici surtout qu’on peut voir combien tout est changé. L’organisation actuelle ne peut ressembler ni à celle de la république ni à celle de la monarchie constitutionnelle. — Autrefois un collège, un arrondissement était,