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Maksimovitch; c’était maintenant un homme posé, raisonnant bien agriculture, exclusivement préoccupé des améliorations qui pouvaient être introduites dans la direction des biens considérables que sa femme lui avait apportés en dot, et pour l’administration desquels elle lui avait donné pleins pouvoirs.

Plusieurs années s’écoulent, de nouveaux propriétaires viennent se fixer dans le pays, et ce voisinage incommode Stépane Mikhaïlovitch. Il se décide donc à transporter une partie de ses paysans sur les bords du Bougourouslane, dans le district d’Oufimsk. C’est encore un trait propre à la Russie que ces actes despotiques des seigneurs qui entraînent quelquefois le déplacement d’une population nombreuse. Cette émigration donne beaucoup de souci à Stépane Mikhaïlovitch, mais il surmonte tous les obstacles, et réussit à fonder un nouveau village qui ne tarde pas à prospérer. La préoccupation que lui a causée cette difficile tentative a eu cependant pour triste conséquence de lui faire perdre un peu de vue Prascovia et son mari. D’assez graves changemens se remarquent bientôt dans la vie du jeune couple. Le major déploie un certain luxe : il a acheté des terres, fondé trois villages, donné à l’un le nom de Kourolessof, à un autre celui de Parachino, et au troisième celui d’Ivanovna. Ces trois noms réunis forment le nom patronymique de sa femme. Il réside habituellement avec elle dans un autre village nommé Tchourasovo et situé à cent verstes des groupes d’habitations qu’il a formés sur ses terres; il s’y est bâti une demeure luxueuse. Les jeunes époux y reçoivent nombreuse et bruyante société; Mikhaïl Maksimovitch comble sa femme de prévenances et se plaît à l’habiller comme une poupée; il ne la quitte que pour aller inspecter ses nouveaux villages. L’un de ceux-ci, Parachino, est peu éloigné de la résidence de Stépane Mikhaïlovitch; mais comme le seigneur d’Aksakova n’aime point les voyages, les deux voisins se visitent rarement. Au bout de quatre ans de mariage, la femme du major lui donne un fils et une fille, qui ne vivent pas. La pauvre mère les pleure longtemps, et la nombreuse société qui se réunissait à Tchourasovo finit par en oublier le chemin. A partir de ce moment, Mikhaïl Maksimovitch, qui redoute la solitude, commence à s’absenter fréquemment de la maison. En même temps le bruit se répand qu’il devient de plus en plus intraitable. On ajoute qu’il se livre à des excès de toute sorte dans ses terres du district d’Oufimsk, et que les fonctionnaires préposés à la police du pays le laissent faire, les uns parce qu’ils prennent part eux-mêmes à ses désordres, les autres parce qu’ils le craignent. Ce que l’on raconte de lui est malheureusement trop vrai. Un changement inexplicable s’est opéré chez Mikhaïl Maksimovitch; les penchans vicieux auxquels il avait renoncé depuis son mariage se sont rani-