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Syriens, et les Syriens psalmodient comme des clercs; enfin les eunuques y portent les armes, et les Barbares fédérés la plume. La ville où tu as transporté tes lares domestiques a pu trouver un territoire plus facilement qu’un peu de terre. Montre-toi donc plus clément envers ces innocens Transalpins, qui se contentent de jouir des bienfaits de leur ciel et ne cherchent pas à s’en glorifier pour ravaler les autres. Adieu. »

Il en sortit le plus tôt qu’il put pour prendre, à travers les montagnes des Apennins, la route qui conduisait à Rome. La vue du Rubicon lui rappela son pays, il se souvint que ce petit fleuve avait été la limite d’un grand état fondé en Italie par les Gaulois, qui partagèrent pendant plusieurs siècles avec les races italiennes la domination des villes de l’Adriatique. Arrivé sur le revers occidental de cette longue chaîne, il se trouva gravement incommodé par l’air des marais de la Toscane, qu’il qualifie de pestilentiel, et l’alternative de la chaleur du jour et des froids du soir et du matin lui donna la fièvre. « La fièvre s’acharne sur moi, et ne me laisse pas de relâche, écrivait-il à Héronius; une soif ardente me ravage jusque dans les retraites les plus intimes du cœur, jusque dans la moelle de mes os qui bouillonne. J’épuiserais, si j’en croyais mon désir, et le lac Fucin, et le Clitumne, et l’Anio, et le Nar, et le Tibre, et tous les cours d’eau que je traverse, » Quand il atteignit Rome, il était exténué et prêt, dit-il, à rendre l’âme. N’ayant point le courage d’aller chercher un logement dans l’intérieur de la ville et sentant le besoin de se reposer, il s’arrêta hors des portes, dans le faubourg qui touchait au mont Vatican. Sidoine était sincèrement chrétien, en même temps qu’il était avide d’émotions poétiques, et dès que sa faiblesse le lui permit, il courut au tombeau des apôtres saint Pierre et saint Paul, lequel était situé, comme on sait, au pied de la montagne, et y pria prosterné dans une sorte d’extase. Il nous raconte lui-même que, pendant sa prière, il sentit une force vivifiante pénétrer de proche en proche dans tous ses membres, et qu’il se releva guéri. Cette petite scène nous peint au juste le poète gaulois, souvent léger et sceptique dans la vie du monde, mais accessible comme chrétien aux sentimens les plus profonds et à toute la puissance de l’exaltation religieuse.

Sidoine comptait à Rome plus d’un ami; il avait connu, lors de son premier voyage, sous le règne de l’empereur Avitus, plus d’un haut personnage qui lui aurait ouvert son palais de marbre et se serait fait un honneur de l’avoir pour hôte; mais il n’en vit aucun. Il loua dans une auberge modeste un logement où il acheva sa convalescence. Rome semblait sens dessus dessous ; toutes les affaires étaient suspendues, les administrations vaquaient, et le palais impé-