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mait à cette époque la gloire des lettres latines, et Anthémius crut être agréable à la Gaule en honorant d’une distinction particulière le plus célèbre de ses enfans. Non-seulement la requête des Arvernes fut approuvée, mais un rescrit particulier invita le poète à se rendre en droite ligne à Ravenne, sans attendre le départ de l’empereur pour la ville de Rome.

Caïus Sollius Apollinaris Sidonius était alors dans tout l’éclat d’une gloire littéraire mêlée à tous les événemens politiques de son temps, et que rehaussait encore l’illustration de la naissance et des dignités. Né à Lyon dans les rangs d’une noblesse que l’on estimait la première des Gaules, fils et petit-fils de préfets du prétoire et de maîtres des milices, Sidoine avait reçu l’éducation des jeunes Romains de sa classe. Il avait étudié les lettres, plaidé au barreau, porté les armes, parcouru la carrière des emplois civils; mais une vocation naturelle le ramena toujours à la poésie, qui, tout en satisfaisant le noble penchant de son âme, devint le marchepied de sa fortune. Sa réputation d’homme d’esprit, de correspondant épistolaire élégant et fin, de versificateur habile, était déjà bien établie en Gaule, lorsque Avitus, le personnage le plus important de l’Auvergne, ou pour mieux dire de toute l’Aquitaine, lui accorda la main de Papianilla, sa fille. Bientôt l’élévation inespérée du beau-père, devenu empereur après le meurtre de Maxime, conduisit le gendre, du petit théâtre où sa gloire littéraire était bornée, sur la grande scène du forum romain. Il y prononça le panégyrique d’Avitus aux applaudissemens du peuple et du sénat, charmés de ses vers, et Rome lui décerna l’insigne honneur d’une statue de bronze dans la bibliothèque Ulpienne, à côté de Claudien, qu’il n’égalait assurément point malgré ses saillies spirituelles et son ingénieuse facilité. Il fut dès-lors le panégyriste obligé des empereurs; ce fut un droit que sembla réclamer la puissance, et que Sidoine ne sut jamais refuser. En 458, non-seulement il chanta le vainqueur et le successeur d’Avitus, Majorien, qui du moins était grand par le mérite et par la clémence; il poussa l’oubli de lui-même jusqu’à louer Ricimer, dont l’ingratitude et les noires trahisons avaient précipité la ruine de sa famille. On le blâma, mais beaucoup pardonnèrent au besoin qu’avait le poète de la faveur des puissans, à l’entraînement de sa vanité, à la légèreté innée de son caractère. Au fond, Sidoine était un homme droit, ami sincère de son pays, amoureux de la civilisation romaine, dont il était un des ornemens, et par instinct opposé aux Barbares, qui lui apparaissaient comme un épouvantail pour la civilisation, pour les lettres, pour l’orthodoxie chrétienne; cependant son jour de force et de courage n’était pas venu : Sidoine Apollinaire ne devait arriver au vrai patriotisme que par la religion.