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Certainement les hommes ne sortent jamais intacts de semblables discussions. Il est bien clair, comme nous, le disions, que le général O’Donnell a cédé à une mauvaise inspiration en entrant dans cette voie sur une provocation qui n’avait plus de sens après le vote du sénat. Il s’est affaibli plus qu’il ne s’est fortifié, et il a fallu un discours aussi habile que modéré du général Ros de Olano pour relever la cause des vicalvaristes. L’homme qui a le plus gagné dans cette discussion et qui a eu visiblement les honneurs de la lutte, c’est le président du conseil. Ayant à marcher entre tous les ressentimens et toutes les passions, le général Narvaez a vraiment montré l’habileté et la modération d’un homme d’état qui sent sa responsabilité comme chef de gouvernement et comme chef de parti. Sans rien désavouer de son opposition avant 1854, comme aussi sans accepter au-delà de ce qui lui revenait dans les événemens, le duc de Valence s’est défendu contre les accusations dont il était assailli ; il a défendu les généraux vicalvaristes contre ceux qui voulaient les transformer en accusés, refusant pour sa part de scinder le parti conservateur, prodiguant jusqu’au bout les appels à la conciliation, et, chose à remarquer, il a été infiniment plus modéré que ses collègues MM. Pidal et Nocedal, qui, par leur humeur belliqueuse et agressive, ont un peu trop pris en cette occasion le rôle de soldats. Le général Narvaez a réussi, et la discussion du sénat a fini plus heureusement qu’elle n’avait commencé.

Au fond, on ne peut le méconnaître, un certain embarras planait sur ces débats. Tous les esprits flottaient entre leurs instincts conservateurs et le souvenir de faits qui avaient conduit fatalement à une révolution. Certes personne n’avait envie de justifier un soulèvement militaire, pas même ceux qui en avaient donné le signal en 1854, et on ne pouvait oublier d’un autre côté que l’Espagne se trouvait à cette époque dans la situation la plus critique, que la constitution n’existait plus, que les chambres étaient suspendues, que les généraux les plus éminens étaient exilés, et que chaque matin on attendait un coup d’état. Qu’on oublie le passé, c’est une chose sage ; il ne faut s’en souvenir, comme l’a dit le général Narvaez, que pour éviter les fautes qui ont été commises, qui ont mis à une si terrible épreuve la monarchie constitutionnelle en Espagne. La discussion de l’adresse ouverte en ce moment dans le congrès n’aura point sans doute un autre sens et un autre dénouement que celle du sénat. Le général Narvaez se trouve visiblement fortifié par ces débats. C’est à lui d’achever l’œuvre qu’il a commencée sans porter atteinte, dans les réformes politiques qui sont proposées, aux garanties légitimes et efficaces du régime constitutionnel.

Au-delà de l’Océan-Atlantique, les épisodes ne manquent pas, si l’on embrasse d’un coup d’œil cet immense espace qui s’étend du nord de l’Amérique à l’extrémité méridionale du Nouveau-Monde. Ce sont des épisodes incohérens, étranges parfois, tels qu’ils peuvent se produire sur une terre où tout commence, et où les intérêts comme les institutions travaillent péniblement à se dégager à travers des luttes qui prennent toutes les formes. Sur les côtes de l’Océan-Pacifique, au Pérou, une insurrection a éclaté et vit depuis quelques mois en face du gouvernement sans réussir à vaincre et sans être vaincue. Le Mexique n’est point au bout de ses conflits et de ses