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a été toujours, écrivain supérieur, critique éloquent et plein de nuances. M. Villemain, on le sait, est un des hommes qui ont renouvelé la critique de notre temps, en ouvrant devant elle un champ plus large, en rapprochant l’étude des travaux de l’esprit de l’étude des hommes, de l’histoire même, et en faisant des lettres l’organe de la civilisation. Le livre qu’il publie n’est point une œuvre entièrement nouvelle ; il se compose de tous les essais qui se succèdent dans une vie littéraire selon l’heure et selon l’occasion, et de tous ces essais, le plus saillant comme le plus étendu est sans doute une étude sur Milton. Le livre de M. Villemain réunit particulièrement tout un ensemble de rapports sur les concours annuels de l’Académie française. Ces rapports embrassent un espace de dix années, et dans ces dix années que d’événemens se sont accomplis, même pour l’Académie ! Que de talens ont eu le temps de grandir, et combien d’autres sont restés ce qu’ils étaient sans s’élever au-dessus d’un premier succès académique ! Que d’œuvres se sont succédé dans ces concours, les unes éphémères et médiocres, les autres durables ! Sans se mêler à la critique active et militante, M. Villemain est un arbitre supérieur qui prononce ses sentences tous les ans, et qui, avec une sûreté toujours nouvelle, juge l’éloquence, la philosophie, l’histoire, la poésie, les œuvres utiles aux mœurs. Chaque année, il parcourt cette carrière, à la fois si étendue et si resserrée, et la difficulté même est l’occasion d’un triomphe de plus. Le travail annuel de M. Villemain n’est plus un rapport, c’est un enchaînement d’aperçus et de développemens où le secrétaire perpétuel apprécie tous les travaux, caractérise d’un trait rapide tous les talens, fait une sorte de revue critique de toutes les idées en ayant l’air de ne distribuer que des récompenses. Même réunis comme ils le sont aujourd’hui, ces rapports ne se ressemblent pas ; ils ne se ressemblent que parce qu’ils portent cette même empreinte d’un art savant, d’une pensée pénétrante et juste, d’un goût supérieur. C’est par ces qualités éminentes que M. Villemain est devenu, soit comme écrivain, soit comme professeur, un des maîtres de la littérature contemporaine, un de ces hommes dont il n’est pas aisé de recueillir l’héritage : on lui succède, on ne le remplace pas là où il a brillé une fois.

Revenons à la politique et à ses incidens. Il y a aujourd’hui quelques pays où la vie parlementaire prend un degré particulier d’intérêt ou d’animation. La discussion commencée il y a plus d’un mois sur les institutions de bienfaisance continue en Belgique, et en continuant elle s’aggrave, les esprits s’irritent, et les passions populaires elles-mêmes viennent de jeter le trouble dans les débats du parlement de Bruxelles. On sait quelles graves questions soulève la loi proposée par le ministère belge et soutenue par la majorité de la chambre des représentans. Après une discussion générale qui s’est prolongée pendant plusieurs semaines, l’opposition libérale a essayé d’arrêter la loi au passage et de l’ajourner. M. Frère-Orban a proposé une enquête, mais cette proposition a été repoussée. Les divers amendemens présentés par quelques membres de l’opposition n’ont pas été plus heureux. La majorité est restée compacte sans se laisser détourner de son but, et les articles de la loi ont été successivement votés. Malheureusement cette discussion sur une question de l’ordre le plus pacifique a pris graduellement un caractère