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gent encore de nos jours cette reine tombée, et c’est d’eux que dépend en grande partie le sort de la Grèce. Leur histoire intéresse l’Europe à plus d’un titre... » Ainsi deux choses très distinctes dans la politique générale d’Héraclius : quand il a affaire à l’invasion asiatique, il ne songe pas à faire la paix, il traverse le Bosphore, il va attaquer les ennemis du christianisme, il détruit à Ninive le second empire des Perses, comme Alexandre avait détruit le premier dans les plaines d’Arbelles; quand il a en face de lui les Barbares du Nord, il pressent que ces Barbares peuvent être convertis au christianisme et introduits au sein de la civilisation européenne. N’y a-t-il pas là de singuliers rapprochemens qui se présentent d’eux-mêmes à la pensée? Ne devons-nous pas, nous aussi, associer à la civilisation occidentale et par là arracher à l’influence moscovite les petits états qui séparent la Turquie de la Russie? Croatie, Servie, Moldavie, Valachie, principautés slaves et principautés roumaines du Danube, ces états, fondés en partie par Héraclius, n’excitent-ils pas aujourd’hui la sollicitude de tous ceux qui songent à l’avenir de l’Orient? Quant à l’invasion asiatique, représentée par la Turquie, son établissement en Europe est plus qu’un fait accompli, c’est un fait consacré, un fait qui n’a plus rien de menaçant, et qui présente même de précieux avantages, puisque la Turquie occupe sans danger pour l’équilibre général un territoire dont le partage exciterait des luttes acharnées et troublerait pour longtemps la paix du monde. On ne peut donc suivre sur ce point la politique du VIIe siècle. Qui ne voit cependant qu’un jour ou l’autre, dans un siècle, dans plusieurs siècles peut-être, mais un jour qui ne peut manquer d’arriver, l’Influence ottomane doit disparaître de l’Europe? Si cette expulsion se fera par les armes, ou seulement par l’action du christianisme, par la substitution légale des hommes de l’Occident aux débiles possesseurs que nous couvrons aujourd’hui de notre protection, c’est là le secret de l’avenir. Le résultat du moins est inévitable, les plus belles contrées du monde ne seront pas éternellement soumises à une race qui les appauvrit, à une religion qui ne sait pas y faire descendre les bénédictions du travail.

Laissons là les secrets de l’avenir; ce qui nous intéresse, c’est le présent. Des deux politiques d’Héraclius, il y en a une qui est encore à l’ordre du jour; c’est celle-là qu’il faut considérer de plus près. L’historien d’Attila raconte avec précision l’établissement de la Croatie, de la Servie, de la Bulgarie, et par là il nous donne sur la question des principautés roumaines des indications qu’il est bon de recueillir. Les Croates, c’est-à-dire les montagnards, étaient une confédération de Vendes et de Slovènes établis sur le revers septentrional des Carpathes. Les Slovènes depuis longtemps avaient à subir de la part des Huns d’odieuses humiliations; race paisible et