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de santé à l’île de Prinkipo. Je me demande si, après qu’ils seront partis pour retourner en Russie, ce qui a peut-être déjà eu lieu, nous ne pourrions pas y installer une belle ambulance... J’ai fait écrire que j’accordais un supplément d’allocation aux docteurs, — supplément de 100 francs par mois[1]. Je termine en renouvelant la recommandation de garder à Constantinople tous les malades dont l’évacuation ne sera pas commandée par le défaut de local ou par le manque de moyens sanitaires. » De son côté, le directeur de l’administration de la guerre, M. Darricau, m’écrivait : « Votre position est navrante; nous ferons tout notre possible pour y remédier. »

Dès le 16 mars, le maréchal Pélissier décida que deux ambulances profondément infectées, et dont j’avais demandé l’abandon, seraient immédiatement fermées. Le génie en construisit aussitôt deux autres dont j’avais choisi l’emplacement sur de hauts plateaux, mettant les baraques à 20 mètres les unes des autres, et le logement des médecins à 200 mètres de l’ambulance. Ces deux établissemens sont restés salubres, et ont été éminemment utiles. Le même jour, le maréchal Pélissier ordonna l’évacuation sur Constantinople de tous les malades de Crimée, à l’exception des typhiques.

Je parcourais les régimens les uns après les autres; je m’entretenais avec les colonels, je leur faisais part de mes observations. Mes conseils étaient partout accueillis avec empressement, s’ils n’étaient pas toujours religieusement suivis. Il résulte d’un état que je pourrais publier que la mortalité et les maladies dans les régimens ont toujours dépendu exactement du degré de sollicitude des colonels pour leurs soldats.

Il fut facile, dès le 28 mars, de constater les bons effets de ces mesures malgré la prolongation d’un rigoureux hiver. Dans la dernière dizaine, le chiffre des entrées aux ambulances présenta une réduction de 500 sur celui de la dizaine précédente, et les affections étaient moins graves. Il y avait une diminution d’un dixième dans la mortalité en Crimée; depuis le 17 mars, il n’avait plus été évacué un seul homme atteint de typhus sur Constantinople. On comptait 283 guérisons pour onze jours, tandis que depuis le 1er janvier chaque dizaine n’en avait offert que 7, 14, 25, 36, 27, 62, 45. C’était sans doute un beau résultat comparatif; mais ce chiffre, mis en regard d’une mortalité de 699, n’en était pas moins encore excessif et fort affligeant. Il démontrait qu’il fallait redoubler d’efforts et

  1. Le décret organique de 1852 ayant supprimé la solde de guerre affectée jusque-là au corps des médecins militaires, il en était résulté des privations compromettantes pour leur santé. Le ministre de la guerre, dont j’avais éveillé l’attention sur ce fâcheux état de choses, voulut bien, sous la forme d’un supplément d’allocation, modifier la situation créée par le décret.