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que je réclame, j’en ai obtenu 1,000; nous avons pu ainsi opérer un peu le vide dans nos hôpitaux, et immédiatement s’est produite une diminution dans le chiffre des nouveaux cas déclarés. En effet, le 1er mars ce chiffre était tombé à 93. Malheureusement le répit n’a duré qu’un instant. De nouveaux malades évacués de l’armée sous Sébastopol sont venus encombrer nos hôpitaux, au point qu’il a fallu envahir les salles réservées aux malades les plus gravement atteints. Le chiffre des nouveaux cas a été alors le plus élevé que nous ayons encore vu, celui de 257 pendant les vingt-quatre heures. Aération et ventilation continuelles des salles, cinq fumigations par jour, deux chlorurées, trois aromatiques, dépôt sous chaque lit de typhique d’une gamelle contenant du chlorure de chaux, lessivage à fond et blanchiment des salles les unes après les autres, dépôt permanent dans les baquets d’une certaine quantité de sulfate de fer, grandes ouvertures pratiquées dans les cabinets d’aisance à l’air libre, deux lits, quand c’est possible, pour les hommes gravement atteints de typhus, et fumigations de chaque lit abandonné après vingt-quatre heures; linge lessivé à l’eau bouillante, amélioration dans le régime alimentaire, bouillon plus substantiel, vin de Bordeaux pour les plus malades : c’est par l’ensemble de ces mesures, dont je surveille tous les jours l’exécution, que nous résistons au fléau, mais en perdant chaque jour un peu de terrain. Nous en triompherons dès que nous aurons pris possession des nouveaux établissemens hospitaliers qu’on dispose dans les camps de Maslak. J’ai beaucoup de peine à détruire dans l’esprit du commandement et de l’administration une espèce de sécurité grosse de danger : on croit que le typhus, venu de Sébastopol, disparaîtra à Constantinople dès qu’il n’y sera plus importé de Crimée. Il résulterait de là qu’il n’y aurait pas trop à se préoccuper ici de l’épidémie. En attendant, la contagion se propage rapidement dans nos hôpitaux de Constantinople. Le seul moyen de l’empêcher est de transporter dans les baraques vides la moitié des malades. Qu’on le fasse, et je réponds d’arrêter ici la marche et la mortalité du typhus presque immédiatement. Je demande seulement des ambulances. Cette mesure paraît présenter de grandes difficultés d’exécution. On promet plus de places sous baraques à mesure que des besoins nouveaux se produiront. En agissant ainsi, on se laisse pousser par la nécessité, on ne la devance pas, on se trouvera un jour envahi, impuissant. Je voudrais partir avec quelques caissons et mes malades comme pour une étape, et aller établir un grand bivouac dans les camps inoccupés. »

Nuit et jour, les officiers de santé restaient auprès des typhiques: ils ne les quittaient guère que pour aller au cimetière accompagner le convoi de l’un d’eux ; 46 ont péri frappés par le typhus, qu’ils