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Constantinople qui n’auraient pu sans danger continuer le voyage. Cet établissement devint en outre une annexe des hôpitaux de Constantinople.

On avait d’abord commis la faute de construire les baraques dans un bas-fond, afin d’utiliser quelques ruines et de se rapprocher d’une fontaine; mais cette faute fut évitée plus tard, lorsqu’il fallut accroître les ressources hospitalières. A 50 mètres plus loin se trouvait un plateau élevé et bien ventilé; on y dressa un nombre de baraques suffisant pour 300 nouveaux lits. L’hôpital de Gallipoli, ainsi complété et porté à 600 places, s’est toujours distingué par une bonne administration, par le savoir et le dévouement du personnel médical, que dirigeait M. Le docteur Molard. J’ai trouvé les literies et le mobilier dans un état parfait. Les denrées alimentaires, le pain, le vin, la viande, le bouillon, tout était de bonne qualité.

Les événemens marchent vite en campagne : ils ne permirent pas aux divisions françaises, une fois réunies, de rester longtemps à Gallipoli. Près de cent mille Russes, suivis de nombreux renforts, avaient mis le siège devant Silistrie, que dix-huit mille Turcs défendaient héroïquement. Les troupes d’Omer-Pacha comptaient cent mille combattans, mais elles se trouvaient réparties sur plusieurs points principaux, à Routschouk, Silistrie, Chumla. Cette barrière pouvait être renversée d’un moment à l’autre par l’armée d’invasion. Il semblait urgent de courir au secours des Turcs et de mettre Andrinople à l’abri d’un coup de main. Chacun des mouvemens de l’armée devait nécessiter la création de nouveaux centres hospitaliers.

Le 7 mai 1854, le maréchal de Saint-Arnaud arrive à Gallipoli, passe en revue l’armée enthousiaste, laisse ses instructions et s’embarque immédiatement pour Constantinople, où il aborde le lendemain. Il communique son activité à tous ceux qui l’approchent. Sa parole vive et animée stimule jusqu’aux dépositaires de la puissance ottomane. Le sultan lui-même partage la confiance du maréchal; il ordonne de mettre toutes les ressources de l’empire à la disposition des généraux alliés. La promptitude va remplacer les lenteurs et les hésitations de l’administration ottomane, habituée à tout remettre au lendemain. Le 19 mai, le maréchal et lord Raglan se rendent à Varna, entrent en conférence avec Omer-Pacha, passent en revue à Chumla un corps de 45,000 soldats d’une bravoure éprouvée, et prennent le parti d’y envoyer non plus chacun une division, comme ils l’avaient projeté d’abord, mais bien toutes les forces dont ils peuvent disposer. Varna allait devenir une nouvelle base d’opérations qui rejetait Gallipoli au second plan. On se hâta d’y transporter de nombreux approvisionnemens de vivres, d’équipemens, de matériel de guerre et d’hôpitaux. Le Ier juin, 6,000 soldats composant la