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ce qui est très différent. Bien ou mal comprise, la religion égyptienne avait de nombreux temples à Rome. Une des quatorze régions portait le nom d’Isis et Sérapis, qu’elle devait sans doute à un édifice consacré à ces deux divinités. On sait que l’une et l’autre avaient aussi un temple près du lieu où depuis a été bâtie l’église de San-Stephano in Cacco, et dans plusieurs autres endroits de la ville.

Cette religion singulière frappa et attira de bonne heure l’imagination grave des Romains. Dès le temps de la république, Métellus avait dédié un temple à Isis sur le Cœlius, et le sénat, déjà ennemi, comme il le fut toujours, de ce qui était étranger et nouveau, avait fait démolir celui d’Isis et de Sérapis par la main du consul. Après la mort de César, un décret des triumvirs, rendu entre deux proscriptions, rétablit ce temple au moment où le désordre prévalait dans l’état.

Auguste, avec sa mesure accoutumée, interdit le culte égyptien dans l’enceinte sacrée du pomœrium, et le permit à la distance d’un mille. C’est ainsi qu’on permet aujourd’hui aux protestans d’avoir une chapelle hors de la ville. Tibère avait moins de ménagemens : il fit jeter dans le Tibre la statue d’Isis et crucifier ses prêtres. Othon releva le culte proscrit et en célébra les rites, revêtu d’une robe de lin. Les Flaviens, qui avaient besoin de popularité pour s’établir, furent favorables à cette religion populaire. Commode la protégea par la même raison; il porta dans les processions l’image d’Anubis. Caracalla, nous l’avons vu, éleva des temples en l’honneur d’Isis. Tous les empereurs qui voulaient gagner la multitude flattèrent son penchant aux religions étrangères, toujours suspectes de licence, que repoussait la sévérité cruelle de Tibère, et que n’autorisa jamais l’austérité philosophique des deux grands Antonins. Ces alternatives de persécution et de faveur, ces idoles, ces temples successivement abattus et relevés, montrent que les zélateurs du culte égyptien formaient à Rome un parti assez nombreux pour que tantôt on voulût le détruire, que tantôt on se résignât à lui céder. En dépit des proscriptions plusieurs fois renouvelées qu’il subit, ce culte était difficile à extirper, car on le trouve encore chez les paysans de la Gaule au IVe siècle.

La religion égyptienne ne fut pas la seule religion de l’Orient que les Romains connurent, et dont tour à tour ils admirent ou rejetèrent les pratiques. Aux divinités sévères de l’Egypte, ils associèrent les divinités sensuelles ou sanguinaires de l’Asie. C’est de là que