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la toute-puissance se trouvât aux mains d’un empereur élevé dans un temple de l’Orient. Héliogabale, le plus impie des hommes, était dévot, dévot à son dieu Soleil, dont il avait été le desservant, auquel il voulait subordonner tous les autres dieux, et qu’il honorait par des sacrilèges. Il y a dans ses turpitudes du mauvais prêtre, et, si j’osais le dire, du séminariste vicieux; puis il avait été élevé en Syrie au milieu des femmes et des eunuques, véritable éducation de sérail: sa mère fut une sultane Validé, et lui-même un imbécile Ibrahim.

Héliogabale avait d’un despote de l’Orient les fantaisies indicibles, le goût du sang mêlé à la rage des voluptés, et aussi le mépris de toute distinction hiérarchique. Il aimait à choisir les magistrats dans la classe la plus infime : il donna la préfecture du prétoire à un danseur; il nomma commandant des gardes de nuit le cocher Gordius; il nomma préfet des subsistances le barbier Claudius Censor. Cela encore est bien oriental, des pâtres et des matelots sont devenus grands-vizirs. Ceux qui consentent à tout sacrifier à l’égalité, même la liberté, devraient se demander si ce niveau dégradant qui fait descendre les plus hautes fonctions sur les têtes les plus basses, pour les courber toutes, relève beaucoup la dignité humaine, et si elle est bien sauvegardée parce que chacun, comme le cocher Gordius ou le barbier Claudius, peut arriver à tous les emplois.

La fin de Néron, de Caligula, de Domitien, de Commode, de Caracalla, attendait Héliogabale. Cette fois nous pourrons sans quitter Rome, où nous avons été témoins de toutes les ignominies de sa vie, assister aux ignominies de sa mort. La première tentative faite contre lui avorta dans un lieu dont l’emplacement est bien connu, les horti Variani, jardins de Varius, qui étaient situés là où s’élève à une des extrémités de Rome la tour de Sainte-Croix de Jérusalem, dans la solitude et parmi les ruines. Ces jardins étaient ceux de Varius, père légal d’Héliogabale. Après avoir exercé divers emplois secondaires dans l’administration, Varius était devenu, peut-être grâce à la faveur dont sa femme jouissait auprès de Caracalla, préfet du trésor militaire. Entrant ainsi dans l’armée par les finances, le fils de Julia Soaemis avait fait des jardins paternels une villa impériale, et c’est de là qu’un jour il envoya l’ordre de tuer son jeune cousin Alexandre Sévère, dont il redoutait la juste popularité. Dans la joie que lui inspirait par avance le succès de son crime, il préparait une course de chars, car il y avait des hippodromes dans les grandes villas romaines; nous l’avons vu pour les jardins de Salluste, qui furent aussi une résidence impériale, nous le verrons pour la villa des Gordiens. Le cirque d’Héliogabale était, selon l’usage, orné d’un obélisque; c’est celui qui décore aujourd’hui la promenade du Pincio. Mais les prétoriens, las d’Héliogabale, indignés qu’il eût or-