Page:Revue des Deux Mondes - 1857 - tome 9.djvu/585

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Sévère, sa sœur Julia Mœsa, les deux filles de celle-ci, Julia Soaemis, mère d’Héliogabale, et Julia Manimea, mère d’Alexandre Sévère, ont un air de famille. L’expression des traits de Julia Mœsa est sérieuse : au musée du Capitole, son regard a une sorte de profondeur; au musée du Vatican, son visage respire une assurance hardie. Elle était intrigante et audacieuse. Chassée de Rome par Macrin, Julia Mœsa s’était retirée en Syrie, où elle possédait de grandes richesses. Elle s’en servit pour acheter les légions, et fit proclamer Héliogabale, qui était son petit-fils. On croit être déjà au temps des Théodora et des Marozia, ces femmes belles, ambitieuses et corrompues, qui dans la Rome du moyen âge faisaient de leurs amans ou de leurs fils non des empereurs, mais des papes. Julia Mœsa répandit le bruit que sa fille avait été aimée de Caracalla et qu’il était le père d’Héliogabale, très digne certainement d’une telle origine. Toutes deux se vantaient peut-être d’une honte à laquelle Julia Soaemis n’avait point de droit, mais les soldats crurent sur la parole de la mère au déshonneur de la fille. Celle-ci avait mené la vie de courtisane. Il n’est pas étonnant que de telles femmes oubliassent la pudeur dans leurs portraits, et que Julia Soaemis y fût représentée en Vénus, comme on la voit au Vatican, à demi nue, sauf sa perruque; Julia Pia s’était bien laissée voir dans un costume pareil à son fils pour lui inspirer le désir de l’épouser.

Le successeur de Macrin fut encore au-dessous de Caracalla. Il se nommait Varius, et osa de même se faire appeler Antonin; la postérité le connaît sous le nom du dieu syrien dont il avait été le prêtre. Héliogabale, élevé dans le temple d’Émèse, fut un Asiatique énervé qui donna aux vices romains les proportions et les difformités de l’Orient. Cet empereur eut les passions d’une femme dépravée, monstrueuses chez un homme. Lampride dit avoir supprimé dans la biographie d’Héliogabale des détails trop honteux pour être rapportés, et il en raconte d’inimaginables; je pousserai la réserve encore plus loin que Lampride. Le portrait d’Héliogabale, qu’on a placé dans la collection des empereurs du musée du Capitole, montre ce que la dépravation peut faire de la beauté. Le jeune prêtre du soleil était beau, et sa figure fut ce qui séduisit d’abord les soldats en sa faveur. Voyez ce qu’est devenu Héliogabale après quelques années d’une puissance sans bornes employée à violer toutes les lois de l’humanité et de la nature; ce visage, dont les traits sont fins et délicats, a pris une expression stupide que rend assez exactement le mot vulgaire de crétinisme. Héliogabale a l’air idole et idiot. C’est bien là celui dont l’histoire raconte tant de turpitudes ridicules. Il fallait que l’on vît une fois à quels excès de dégradation peut arriver la puissance absolue livrée à elle-même. Auguste l’avait fondée; elle produisit Héliogabale.