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elle s’est accomplie. Caracalla n’a pas si bien fait gratter la pierre des arcs de triomphe que l’on ne retrouve la trace des inscriptions qu’il voulait anéantir. C’est la tache de sang sur la main que lady Macbeth frotte en vain, la tache que tous les flots de l’Océan ne laveraient pas. En cherchant à faire disparaître ces inscriptions, il n’a pu abolir l’histoire; au contraire il l’a rendue par ses efforts mêmes plus présente au souvenir des hommes. Parfois effacer, c’est écrire.

Nous sommes accoutumés à voir les plus mauvais parmi les empereurs se signaler par le zèle qu’ils mirent à embellir Rome. Caracalla continua les réparations que Sévère avait commencées. Ses préférences devaient être pour le cirque; il agrandit les portes du Circus Maximus. On lui a attribué un cirque encore existant hors de Rome, non loin du tombeau de Cecilia Metella; mais la maçonnerie en est trop grossière pour remonter au temps de Caracalla, et l’opinion qui en place la fondation sous Maxence est beaucoup plus vraisemblable. Il éleva partout des temples somptueux à la déesse Isis; enfin il construisit des thermes, auxquels conduisait une rue assez large pour être appelée par Spartien une des plus belles places de Rome.

Caracalla, qui pour l’histoire n’est autre chose qu’un fou sanguinaire, a laissé les débris immenses d’un gigantesque monument, bien connu sous le nom de Thermes de Caracalla. Il s’appelait Thermes Antoniniens; la rue champêtre qui y conduit aujourd’hui, moins large que celle dont parle Spartien, porte encore le nom de Via all’ Antoniana, et rappelle le nom d’Antonin, que, par une vanité qui ressemble à une dérision, osa porter Caracalla, — que son père lui avait donné, parce que rien ne pouvait arracher ce nom du cœur des Romains, et que plusieurs empereurs prirent sans en être dignes, entre autres Héliogabale. Les thermes de Caracalla sont le plus majestueux reste de l’architecture romaine après le Colisée, et peut-être, pour l’effet pittoresque, l’emportent-ils sur l’amphithéâtre des Flaviens. Quand on pénètre dans ces thermes, on croit voir d’abord un chaos de ruines, du sein desquelles des masses confuses s’élèvent comme des tours démantelées, ou des rochers entassés en désordre par un éboulement de montagnes; mais bientôt on voit facilement l’ensemble de ce vaste édifice, et alors rien n’est plus simple et plus régulier.

Si du Palatin ou du Cœlius on embrasse cet ensemble, on s’aperçoit que la partie principale des thermes forme un quarré long dessiné par de hautes murailles. Cette enceinte colossale est d’une parfaite régularité. Pour se former une idée complète des thermes de Caracalla, il faut joindre à ce grand quadrilatère la palestre destinée aux jeux athlétiques et terminée au sud par des gradins formant une anse de panier très évasée, un grand portique qui enveloppait les