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des Matsyens est forcé de reconnaître en eux les cinq héros fugitifs dont la renommée retentit déjà par toute l’Inde. Pour remercier Ardjouna du service qu’il lui a rendu, le roi s’empresse de lui offrir sa fille en mariage ; mais celui-ci refuse. — Pourquoi, demande le roi Virâta, n’acceptes-tu pas ma fille, que je t’offre avec tous mes trésors ? « Parce que, répond Ardjouna, j’ai habité dans le gynécée, où je la voyais toujours ; en secret et devant témoins, elle s’est fiée en moi comme en un père ; — elle avait de l’affection et du respect pour celui qu’elle croyait être un eunuque danseur et habile à chanter, et elle me regarde toujours comme un précepteur, ta fille que tu m’offres ! — Avec cette enfant, j’ai habité toute une année, ô roi ! Cela donnerait beaucoup à penser dans ton palais et parmi ton peuple. »

La fille du roi, qu’il a refusée pour lui au nom de la sévérité des mœurs orientales, Ardjouna l’accepte pour son propre fils Abhimanyou. Ainsi s’établit une alliance intime entre les Pândavas et un souverain qui jouissait d’une certaine autorité. Les rois voisins, amis de Virâta, vinrent à la noce ; parmi eux, on remarquait Krichna, l’ami, le protecteur et le conseiller des fils de Pândou. Le lendemain de la cérémonie, il se tint au palais une assemblée (un conseil) de rois, dans laquelle furent débités de longs et beaux discours touchant l’opportunité qu’il y aurait à déclarer la guerre aux Kourous. Tous les assistans étaient d’accord sur ce point, que les Pândavas devaient rentrer dans tous leurs droits, puisque leur exil venait de finir, et recouvrer la possession du royaume qui leur avait été concédé jadis par Dhritarâchtra lui-même ; mais le meilleur moyen de recouvrer ce royaume sans conditions, n’était-ce pas de le reconquérir par la force des armes ? À la cour d’Hastinâpoura, on se préparait à attaquer les fils de Pândou, que l’on savait avoir reparu chez le roi des Matsyens et y former un parti considérable. Quand on se fut bien exalté de part et d’autre, quand on eut vanté sa propre force et déprécié celle de l’ennemi, on prêta l’oreille un instant à la voix des vieillards et des sages qui conseillaient de parlementer. Du côté des Pândavas, Krichna avait recommandé la prudence ; du côté des Kourous, Dhritarâchtra, le roi aveugle, toujours épouvanté de la violence de ses fils, inclinait à la paix. Il envoya donc vers les Pândavas, pour traiter avec eux, son cocher ou plutôt son écuyer Sandjaya, homme prudent, qui savait parler et se faire écouter. L’écuyer des princes de l’Inde ressemble beaucoup à celui des chevaliers du moyen âge, avec cette différence qu’il partage de plus près encore les dangers de son maître, puisqu’il se tient devant lui sur le char. Né d’une femme de la caste sacerdotale et d’un kchattrya, l’écuyer hindou, qui savait à la fois combattre et lire les