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lier, et il explique jusqu’à un certain point la longue prospérité du Céleste-Empire. Il y avait en effet, à côté du pouvoir absolu, quelque chose de profondément démocratique, il y avait un éclatant hommage rendu à l’égalité humaine, dans une institution qui permettait au fils du plus pauvre paysan de prétendre, par le seul secours de son intelligence, aux plus hautes dignités de l’empire. Aussi voyait-on les familles, les voisins même se cotiser en faveur d’un enfant qui manifestait d’heureuses dispositions, afin de lui procurer une éducation dont le résultat pouvait couvrir d’honneur ses parens et le lieu de sa naissance. L’enfant allait grossir cette classe de lettrés dans laquelle le gouvernement puisait, par un concours public et ouvert à tous, les agens de son autorité. Une fois admis dans la hiérarchie administrative, on montait de grade en grade jusqu’au faîte de l’édifice social, et on parvenait à siéger dans ces comités de Péking, véritables maîtres de l’empire, dont l’influence sur l’empereur est toute puissante. Ainsi point de droit héréditaire. Au-dessus de la masse nationale, où tous sont égaux, l’aristocratie de l’intelligence accessible à tous, dépositaire de tous les pouvoirs, essentiellement viagère, et n’excitant aucune de ces jalousies qui, dans nos sociétés européennes, ont enfanté de si fréquentes et si grandes commotions.

Mais après l’invasion tartare tout a changé; la force a commencé à se substituer au droit; les nouveau-venus ont réclamé pour eux la moitié des emplois publics, au seul titre de nation conquérante, et cette première atteinte une fois portée au principe salutaire du concours public, le jour a dû arriver, et il est arrivé, où la sincérité des examens a disparu, où il n’est resté debout que leur appareil pédantesque, où la nation a été gouvernée par d’autres hommes que les plus sages et les plus capables.

Quant au troisième principe de la constitution chinoise, à ce droit concédé au peuple de déposer un souverain inappliqué ou vicieux, ce ne pouvait être qu’une garantie cherchée pour des cas nécessairement assez rares. Le trône en effet ne passe point par droit héréditaire du père au fils; il suffit que le souverain sorte des rangs de la famille impériale, et quel que soit du reste le fastueux appareil de son despotisme, il est tellement entouré, circonvenu, qu’il est plus près d’être un instrument qu’un maître absolu. Toutefois, pour le cas toujours possible de l’exercice abusif d’un pouvoir sans contrôle, les Chinois, gens prévoyans, ont voulu sans doute justifier d’avance par un principe écrit et les résistances ouvertes que ce pouvoir soulève et les secrètes révolutions de palais, que dans leur respectueux et prudent langage ils abritent sous la volonté du ciel.

Mais il est inutile de remonter à ces principes plus ou moins sages,