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pour instruction essentielle de négocier le renouvellement des traités qui expirent maintenant ; il doit demander pour la France le droit d’avoir un représentant à Pékin et de nommer des consuls sur divers points du Céleste-Empire ; il est chargé, dit-on, de réclamer l’ouverture de neuf ports chinois au lieu de cinq, ouverts au commerce en vertu des anciens traités. On voit dès-lors en quoi l’action de la France et celle de l’Angleterre peuvent se confondre, en quoi elles se séparent. La France n’est point en guerre avec la Chine, elle n’est pas placée sous cette espèce de fatalité d’un conflit engagé par ses agens ; elle n’est point à cette extrême limite où l’orgueil du patriotisme blessé par des barbares peut conduire à quelque acte d’éclatante revendication, et en cela sa situation difTère de celle de l’Angleterre. Aussi n’a-t-elle pas besoin de faire le même déploiement de forces militaires. Dans l’action diplomatique, en ce qui touche les garanties à réclamer pour les intérêts généraux de la civilisation et du commerce, elle se retrouve avec la Grande-Bretagne. Son plénipotentiaire, M. le baron Gros, a le titre de commissaire extraordinaire en Chine, comme le plénipotentiaire britannique, lord Elgin. Les représentans des deux puissances, dit le Moniteur, ont des pouvoirs analogues ; ils se prêteront un mutuel concours dans les négociations qu’ils ont à poursuivre ; ils ont une mission commune, qui semble se résumer en un mot : ouvrir diplomatiquement la Chine. Seulement, si la diplomatie est impuissante, qu’arrivera-t-il ? Ici évidemment le rôle de la France et celui de l’Angleterre redeviennent distincts, chacun des deux états mesure son action à ses intérêts. Le concours de la France a sans contredit ses limites, qu’il ne peut dépasser à cette extrémité de l’Orient.

Le point important, c’est l’accord des deux puissances dans ces questions lointaines aussi bien que dans des questions plus rapprochées qui s’agitent sous nos yeux en Europe. La reine d’Angleterre, dans le discours qui a inauguré les travaux du parlement britannique, laissait pressentir la solution prochaine des différends relatifs à Neuchâtel. Cette attente, qui est celle de l’Europe, serait-elle trompée ? Voici en effet qu’il est survenu tout à coup ce que nous appelions un incident dans un incident, un contre-temps imprévu. Toutes les difficultés cependant semblaient sur le point d’être aplanies. La France, l’Angleterre, la Russie et l’Autriche, agissant comme médiatrices, avaient combiné un arrangement qu’elles proposaient à l’acceptation de la Prusse et de la Suisse. Toutes les susceptibilités, tous les intérêts étaient assez ménagés pour que le succès définitif ne parût pas douteux, lorsqu’on s’est trouvé un instant rejeté dans l’incertitude. Par quelle circonstance ? Le conseil fédéral ne s’est pas contenté d’adhérer à l’arrangement qui lui était proposé ; avant que le cabinet de Berlin se fût prononcé de son côté, il a mis au jour les principaux actes de cette négociation, les instructions qu’il avait données à son plénipotentiaire, les instructions de la Prusse, et l’arrangement même, et les protocoles de la conférence. Le fait était peu diplomatique, il en faut convenir ; le journal officiel français l’a remarqué en mettant sur le compte d’une indiscrétion peu justifiable ce qui était, après tout, l’acte délibéré des autorités helvétiques. La Suisse peut répondre, il est vrai, que la publicité est dans les conditions de son régime politique, que le conseil fédéral n’a aucun pouvoir de valider une transaction diplomatique avant de l’avoir livrée au public et soumise à l’assemblée fédérale, qu’elle tenait d’ailleurs