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sés à prendre l’initiative, et qui aurait été vraisemblablement appuyée par lord John Russell. Le chef du cabinet a eu l’habileté de souffler lui-même sur ce nuage et d’ajourner la difficulté à la session prochaine, en annonçant que le gouvernement préparerait un projet destiné à étendre les franchises électorales. Par là, lord Palmerston empêchait les dissidences d’éclater, il maintenait la cohésion dans son parti, et il réduisait les plus décidés de ses adversaires à ne compter que sur leurs propres forces dans la guerre qu’ils soutiennent contre le ministère. Du reste, indépendamment de tout autre motif, lord Palmerston avait ici en sa faveur une considération d’un certain poids : c’est que les élections viennent à peine de s’achever en Angleterre, et un ajournement ne pouvait qu’être du goût des partisans eux-mêmes d’une réforme qui eût entraîné une dissolution nouvelle du parlement. C’était la plus dangereuse question pour le ministère de lord Palmerston et pour l’intégrité de son parti. Or, ce péril intérieur écarté, que reste-t-il ? Parmi tant d’affaires différentes de politique extérieure, il reste une question prédominante que la reine mentionne dans son discours, celle de la Chine, où l’Angleterre se rencontre dans une certaine mesure avec la France, comme les deux puissances se rencontrent aujourd’hui en bien d’autres questions et sur bien d’autres points du monde.

Cette question de la Chine, qui est née d’une façon si inattendue et qui peut prendre de si étranges proportions, cette question, disons-nous, il ne faudrait ni la grossir ni la diminuer. Il ne faudrait ni exagérer la portée de l’action commune de l’Angleterre et de la France, ni fermer les yeux sur les conséquences qui peuvent découler de la situation actuelle. Pour le moment, on ne peut que constater le point de départ de cette obscure complication et la position respective des deux puissances, position qui n’est point évidemment la même, et qui implique de la part de chacun des deux gouvernemens une certaine indépendance de politique. L’Angleterre, on ne l’a pas oublié, est déjà engagée à quelques égards par les actes d’hostilité de ses agens. Elle a des intérêts immenses à sauvegarder, la puissance et la dignité du nom britannique à maintenir en face de populations barbares et fanatisées. Cependant l’Angleterre elle-même n’est point encore en guerre avec la Chine. La reine dans son discours restreint les faits qui ont eu lieu aux proportions d’un conflit local entre les autorités anglaises et le haut commissaire chinois. La lutte n’est point ouverte entre les deux empires, et le discours royal annonce en même temps l’envoi d’un plénipotentiaire qui doit prendre la direction des événemens. Ainsi des hostilités partielles et l’envoi d’un plénipotentiaire chargé d’effacer la trace de ce qui s’est passé, ou de laisser la force agir seule, si la diplomatie ne suffit pas pour assurer des garanties nouvelles et plus efficaces à tous les intérêts anglais et européens, telle est la situation de l’Angleterre. Quant à la France, sous quels auspices entret-elle dans cette affaire et quelle est sa politique ? Le gouvernement, on le sait, vient de nommer comme plénipotentiaire en Chine un membre de notre diplomatie, M. le baron Gros, qui a rempli diverses missions dans la Plata, à Athènes, et qui plus récemment a préparé un traité de délimitation entre la France et l’Espagne. M. le baron Gros, à ce qu’il semble, est chargé d’obtenir une satisfaction pour le supplice infligé à l’un de nos missionnaires, et en outre sa mission s’étend à des objets plus généraux. Il a naturellement