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mari occupé au dehors, « le señor a trouvé le corps du niño (petit) à la pointe de l’arroyo ; tu avais raison. » C’était la mère de l’enfant. Ce fut là toute l’oraison funèbre du niño, qui avait disparu depuis trois jours sans qu’on s’en fût autrement inquiété. Du reste, on retrouve en d’autres pays des exemples d’une insensibilité non moins étrange. Un officier de marine m’a raconté que, se promenant un jour dans la campagne de Nanking, il rencontra, portant son enfant dans ses bras, une femme qui, effrayée à la vue du barbare, jeta son fardeau dans une haie pour s’enfuir plus vite, en trébuchant sur ses pieds mutilés. Bien plus, il est tel point, — les îles Marquises, — où le sentiment maternel a presque disparu ; il est remplacé par l’adoption érigée en système.

Hors du Veraguas, dans les autres parties de l’Amérique centrale, l’Indien, mêlé sans cesse au mouvement qui l’entoure, a perdu, dans le contact avec les Européens, son caractère primitif : il est devenu plus industrieux, plus attaché au sol, moins étranger aux sentimens de famille. Vivant heureux près de sa femme, entre le champ qu’il cultive et la cabane qui l’abrite, son humeur paisible l’a sauvé de cette destruction totale qui, toujours plus prochaine, menace ses frères des États-Unis. Il se soumet avec une grande indifférence au joug, fort léger du reste, des petits-neveux de ses conquérans. Dans les luttes intestines qui ont ensanglanté pendant plus de trente ans l’Amérique centrale, c’est parmi les Indiens que se sont recrutées les prétendues armées de tous les partis. L’Indien se disciplinait promptement, sa bonne volonté était constante, sa patience remarquable. Une seule chose manquait, c’était l’ardeur guerrière. Rien de curieux comme sa contenance la première fois qu’on lui met un fusil dans les mains : il le regarde, ose à peine y toucher, et attend que quelque âme charitable lui enseigne à faire connaissance avec son animal (il appelle ainsi tout objet inconnu et qui lui semble étrange). Ce n’est qu’à la longue qu’il se familiarise et surtout qu’il s’aguerrit, si tant est qu’il en vienne jamais là. Souvent le malheureux est enrégimenté sans qu’il se rende bien compte de la cause qui réclame son appui. Dans l’une des nombreuses guerres de Carrera et de Morazan, un lieutenant de Carrera, s’étant emparé de Sonsonate, y avait laissé une faible garnison et un corps assez nombreux d’Indiens fraîchement recrutés. Le soir venu, pour empêcher les désertions qu’eussent pu provoquer les souvenirs encore récens de la famille, on réunit la nouvelle troupe dans une église située à l’extrémité de la ville ; un poste de confiance fut chargé de la surveiller, et un factionnaire placé à la porte. Instruit par ses espions, vers le milieu de la nuit, un lieutenant de Morazan, qui tenait la campagne, entre hardiment dans Sonsonate ; deux aides de camp seulement sont avec lui. Le poste dort dans une