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nant d’en bas, le mépris venant d’en haut n’y ont pas droit de cité. La liberté s’y conserve à l’abri du respect pour les institutions établies. On peut lire tour à tour les journaux les plus opposés: ils se confondent tous dans les mêmes témoignages de respect et de fidélité pour la royauté, et s’associent avec le même empressement à toutes les joies domestiques du souverain. A l’occasion de la naissance d’une nouvelle princesse d’Angleterre, le Daily News, journal de l’opinion radicale, publiait ces lignes, qui méritent d’être reproduites : « Le monde doit à la sagesse politique et aux vertus privées de la reine qui occupe le trône le spectacle d’une royale mère de famille servie, soignée et chérie par un lion bien plus indompté et bien plus sauvage que celui qui dans la fable courbe la tête sous la main d’une timide jeune fille. La démocratie de la Grande-Bretagne a pour sa reine un attachement qui dépasse l’amour qu’on peut donner à une femme; elle la suit des yeux avec admiration, et elle tressaille de bonheur chaque fois qu’elle la sait heureuse. » Un tel langage est pour la liberté de la presse un titre d’honneur qui doit être envié à l’Angleterre. De même on peut entendre les discours les plus divers et prendre place dans l’auditoire le plus varié : malgré l’ardente rivalité des opinions, il y aura toujours un lieu de rencontre où le désaccord cessera pour faire place à l’entente commune. Quiconque se tient en dehors de cette grande alliance du bien public se met lui-même au ban de la nation : un des chartistes encore survivans, Robert Owen, était forcé de reconnaître, dans l’adresse aux électeurs de Londres où il leur annonçait le retrait de sa candidature, « qu’il n’y avait pas eu dans le dernier parlement et qu’il n’y aurait pas davantage dans le nouveau un seul membre qui put partager ses vues ni soutenir ses projets pour la transformation pacifique de la société. » Le sentiment public ne se laisse pas prendre en défaut, ni égarer par les vaines théories de quelques réformateurs isolés, et sans leur imposer silence il leur oppose sa force toute puissante pour les désarmer. Chacun aime à s’en faire l’organe, et c’est par l’hommage à la royauté qu’il a coutume de se manifester. Il ne faut donc pas être surpris si dans les assemblées électorales de la place publique, au sein des villes comme au milieu des campagnes, le nom de la reine n’est jamais prononcé sans être salué aussitôt par des acclamations parties de tous les rangs; les candidats qui soutiennent les propositions les plus avancées se montrent parfois les plus empressés à provoquer ces témoignages de fidélité, afin d’éviter toute méprise. Après s’être passé, suivant son habitude, toutes les fantaisies politiques, après avoir même fait fi de la dernière décoration qui lui avait été offerte avec un dédain tout démocratique, l’amiral C. Napier en remerciant