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condamne toute exclusion des droits civils à raison de la foi religieuse. Et comment donc ne pas parler encore de cette grande bataille de la liberté du commerce qui a donné au peuple la vie à bon marché? Ce sont là les batailles qui ont été livrées et gagnées ici, et voilà pourquoi moi, qui y ai toujours combattu avec vous, voilà pourquoi, je le répète encore, j’aime cette place... Pour moi, la journée est déjà bien avancée; j’en ai supporté le poids et la chaleur; la onzième heure est venue; c’est à vous de dire si je dois, oui ou non, rester encore une heure de plus à votre service. »

Le ton n’a pas toujours besoin d’être aussi solennel, et parfois c’est la grâce légère qui fait les frais de l’exorde. A Douvres, M. Osborne, secrétaire de l’amirauté, après s’être adressé aux électeurs et non électeurs, s’apercevant qu’un groupe de mutins se préparait à continuer le tumulte, fait une brusque diversion en demandant qu’on lui laisse aussi la liberté de s’adresser à ces non électeurs qu’il voit aux fenêtres, et qui valent à cette assemblée la gracieuse présence d’un nombreux cercle de dames. « J’espère, dit-il, que les non électeurs qui sont de l’autre sexe réussiront à faire prévaloir dans cette réunion, sinon l’urbanité élégante qu’on ne peut guère leur emprunter, au moins cette bonne humeur qui ne doit jamais faire défaut quand de telles personnes font à une discussion l’honneur de venir l’entendre. Je compte bien qu’il n’y aura pas d’autre moyen d’intimidation à craindre que leur défaveur, et qu’aucune autre corruption ne s’ajoutera à l’attrait de leurs sourires. » L’auditoire ne se montre pas indifférent à ces coquetteries, et le candidat saisit aussitôt le moment favorable pour reprendre l’offensive contre ses adversaires. « Je suis surpris, ajoute-t-il, après avoir entendu mon honorable compétiteur déclarer qu’il ne veut faire aucune opposition au premier ministre, de le trouver en face de moi, combattant en ma personne l’élection d’un membre du gouvernement; je veux bien croire qu’il a pour le premier ministre les meilleures intentions, mais je sais aussi que l’amour peut prendre bien des formes différentes, et j’ai même connu des hommes qui battaient leurs femmes tout en passant pour les aimer : je pense qu’un tel procédé manque au moins de logique. » Il fallait mettre les rieurs de son côté; une fois que ce pas difficile est franchi, les bonnes dispositions du public sont gagnées.

C’est à l’aide de toutes ces précautions plus ou moins habilement ménagées que le candidat réussit à se faire écouter, et met à profit le silence que la foule lui accorde au moins par intervalles. Il lui faut alors reprendre et varier sa profession de foi, compléter l’exposé de ses opinions, répondre à toutes les questions par de nouveaux engagemens, et donner en sa faveur toutes les raisons de préférence