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ne rien perdre de ce qu’ils peuvent entendre. Enfin, au milieu du champ d’élection, se promènent tranquillement des constables spéciaux, pris à la journée pour prêter main-forte aux policemen du comté, et qui n’ajoutent à leur accoutrement de tous les jours qu’une pancarte sur leurs chapeaux et un grand bâton dans leurs mains, insigne respecté de l’autorité de la loi. On voit ainsi passer sous ses yeux le panorama de l’Angleterre campagnarde. Sur les places des villes, il n’y a que l’apparence du spectacle qui change; mais on y retrouve toujours le même auditoire : seulement c’est aux fenêtres, quelquefois sur les terrasses des maisons voisines, que les dames intéressées à la lutte prennent leur place, quand elles ne vont pas la chercher hardiment jusque sur les hustings, pour animer la lutte, comme il a été dit autrefois de l’une d’elles, «par la céleste rhétorique de leurs yeux. » Les femmes des candidats manquent rarement de venir s’associer à la bonne ou à la mauvaise fortune de leurs maris, et elles sont souvent saluées pour leur compte par les acclamations populaires : les hourras pour lady Palmerston ou pour lady Russell témoignaient des galanteries spontanées de la foule. Il n’y a pas jusqu’aux jeunes gens à peine sortis de l’enfance qui ne viennent parfois accompagner leurs pères sur les hustings; à l’élection de la Cité, dans cette vieille salle de Guild-Hall où se pressait au-dessus de la foule frémissante une élite de spectateurs et de spectatrices, lord John Russell, ayant à côté de lui un de ses jeunes fils, semblait montrer comment les grandes familles de l’Angleterre préparent de bonne heure leurs enfans à la vie publique, en les élevant à l’école des traditions héréditaires du pays.

C’est devant cette assistance si variée que s’ouvre la séance de la nomination, avant midi dans les comtés, avant ou après midi dans les villes. Elle commence par la proclamation qui ordonne le silence. Après avoir donné connaissance de l’acte de convocation, le shériff ou l’officier municipal préposé à l’élection prête le serment requis pour le loyal accomplissement des devoirs de sa charge, et le fait suivre, sous peine d’une amende de 50 livres, de la lecture de l’acte destiné à la poursuite de la corruption[1]. Il ne lui reste plus alors qu’à demander quels sont les candidats; mais avant de se présenter eux-mêmes, les candidats se font tour à tour présenter par leurs amis : ils ont toujours au moins un second qui se charge de poser et de justifier leur candidature, en défendant les opinions que chacun d’eux représente et en les opposant à celles de leurs compétiteurs, dans le cas où l’élection doit être contestée. Ainsi se prépare l’entrée en scène des candidats, qui manquent bien rarement de faire appel

  1. Statuts 4 et 5 Vict. c. 57 (22 juin 1851).