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L’aspect du lieu de l’assemblée n’est pas moins curieux. Qu’il soit en plein air ou à couvert, on y distingue d’abord un vaste échafaudage élevé de dix à douze pieds au-dessus de terre, et qui paraît destiné à des spectateurs de courses : ce sont les hustings, l’appareil principal de la cérémonie. Au milieu, une petite balustrade posée à hauteur d’appui indique la tribune, et quelquefois c’est seulement une saillie de l’estrade qui en tient lieu; elle ressemble alors à une planche de tremplin sur laquelle on viendrait chercher l’élan : tel est le trépied sacré où chacun de ceux qui veulent prendre la parole vient chercher l’inspiration sans pouvoir toujours la trouver. Au-dessous, une galerie avec des sièges et des pupitres est réservée aux sténographes des différens journaux, et l’orateur qui ne peut se faire entendre borne ses efforts à leur dicter son discours, en se consolant par la pensée qu’il aura au moins des lecteurs. Ce sont les principaux amis des différens candidats et les membres de leurs comités qui occupent les hustings, où des billets de faveur peuvent donner entrée aux étrangers et même aux étrangères; ils s’y groupent en général suivant leurs sympathies, et se réservent de part et d’autre un des côtés de l’estrade. Devant l’estrade, la foule se presse; électeurs et non électeurs sont mêlés, et c’est souvent par milliers qu’il faut en faire le dénombrement; ils suivent d’ordinaire l’exemple qui leur est donné sur les hustings et se partagent, s’il y a lieu, en deux camps. C’est dans cet auditoire bruyant et agité, aux apparences tantôt grossières, tantôt plus sociables, que toutes les opinions vont trouver un écho : il représente la partie intéressée au débat qui va s’ouvrir, et n’attend pas toujours patiemment qu’il commence.

Une tout autre assistance encadre en quelque sorte le lieu de l’assemblée. Si les hustings ont été élevés près d’un chef-lieu de comté, au milieu d’une de ces belles prairies qui font l’ornement de l’Angleterre, de nombreuses voitures viennent se ranger souvent en une double file autour de la corde qui en marque l’enceinte; elles sont dételées sur place, et ainsi rapprochées les unes des autres, elles offrent un cercle élégant et gracieux où revivent les dernières traditions des vieux tournois. Dans de riches équipages, amenés au galop par quatre chevaux pomponnés en faveur de tel ou tel parti, sont assises des dames et des jeunes filles avec de larges rubans qui flottent sur leurs chapeaux ou leurs mantelets, et dont la couleur indique le candidat de leur choix. La dernière ligne est formée par des omnibus et des chariots, dont les impériales peuvent servir de galerie à ceux qui cherchent les meilleures places. Entre tous ces rangs de voitures circulent des propriétaires et des fermiers à cheval, les véritables country-gentlemen, arrêtant leurs montures pour