Page:Revue des Deux Mondes - 1857 - tome 9.djvu/331

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

que les opinions répandues sur Louis XIV. L’amant de Françoise de Foix, le prisonnier de Pavie est accepté comme le Mécène le plus généreux de la science, de l’art, de la pensée. Si les trente-deux ans dont se compose son règne étaient racontés par un historien habile, résolu à tout dire, décidé à ne ménager aucun orgueil, les proportions du personnage seraient un peu amoindries. On saurait qu’il n’avait pas pour la science un ardent amour, qu’il redoutait la pensée, et l’étouffait au besoin par les moyens les plus cruels. Ce que je dis n’est pas une nouveauté pour ceux qui étudient; pour la foule, qui ne vit pas avec les livres, ce serait une révélation inattendue. Les faits que je rappelle sont en effet mentionnés dans toutes les histoires générales de notre pays, mais souvent atténués. Une monographie du règne de François Ier pourrait seule les remettre dans leur vrai jour et leur rendre toute l’importance qui leur appartient. C’est pourquoi nous devons accueillir avec empressement toutes les monographies qui se produisent sur l’histoire de notre pays. Et lorsque l’auteur a voué toute sa vie à l’étude du passé comme M. Poirson, lorsqu’il a suivi d’un regard attentif le développement moral et politique des nations anciennes et modernes, nous sommes sûrs du moins qu’il ne se méprendra pas faute d’informations. S’il lui arrive de contrarier nos convictions, nous accepterons cette divergence intellectuelle comme une conséquence de ses études, et nous trouverons dans les documens qu’il invoque le moyen de contrôler sa pensée. S’il raconte sans paraître s’émouvoir, s’il n’émeut pas, nous hésiterons avant de l’accuser d’indifférence, car il n’est pas donné à tous les esprits d’exprimer leur pensée de façon à la rendre contagieuse. Il y a des artifices de style familiers aux écrivains les plus tièdes, et qui abusent la crédulité du lecteur.

Au moment où l’invention languit, les ouvrages historiques réclament une attention spéciale. Quand la vie entière de l’auteur nous prouve qu’il n’a interrogé que des documens originaux, quand nous sommes assurés qu’il ne dit rien sans pouvoir le démontrer, nous devons l’écouter avec confiance. A l’heure où nous parlons, l’invention sommeille, nous sommes obligés de le reconnaître; ceux qui expriment sous la forme lyrique ou narrative leurs impressions personnelles paraissent désespérer de l’attention des lecteurs. Sans partager leur découragement, nous croyons que le vent n’est pas aujourd’hui à l’invention. C’est une raison de plus pour lire, pour étudier d’un œil attentif toutes les œuvres d’histoire qui se produisent de nos jours. L’histoire en effet, si l’on prend la peine d’en mesurer la portée, est un des enseignemens les plus salutaires que puisse se proposer l’intelligence humaine. Si l’histoire,