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le collaborateur principal des journaux; c’est lui enfin qui a organisé le premier, sur une vaste échelle, tout un réseau de correspondances. Tous les propriétaires de journaux américains sont entrés dans cette voie, mais c’est à lui que doit rester l’honneur de l’avoir ouverte. Les excentricités sont demeurées; on peut extraire de ses colonnes bien des vanteries bouffonnes et bien des diatribes : ce cynisme et ces hâbleries sont, il faut le dire aussi, rachetés par un esprit vif et mordant, une verve railleuse, un grand fonds de bon sens écossais; le Herald a fait souvent une guerre heureuse aux rêveries socialistes ou mystiques des deux continens, aux exagérations puritaines, aux hypocrisies de l’abolitionisme américain. En politique, il n’a d’autre couleur que le succès, mais tel est le cas de la majeure partie des journaux américains : c’est ce qu’on appelle être indépendant.

Il serait fort malaisé d’établir le budget d’un journal américain, parce que la quotité des recettes et la nature des dépenses varient à l’infini suivant les localités. Le prix d’abonnement des journaux de premier ordre est de 8 et 10 dollars (43 fr. 20 et 54 fr.), non compris les frais de poste, qui sont à la charge de l’abonné. C’est un prix plus élevé que celui des journaux français, puisque les feuilles américaines ne publient que 313 numéros par an et sont exemptes de tout impôt, tandis que les feuilles parisiennes publient 360 numéros et sont assujetties au timbre, qui représente un tiers de la somme payée par le public. L’abonnement aux journaux à 2 cents est de 6 dollars. Le paiement en est maintenant exigé d’avance, mais l’abonnement est, on le sait, devenu l’exception, au moins à l’intérieur des villes. Il y a dans chaque quartier des agens qui prennent à forfait un certain nombre d’exemplaires des journaux et qui se chargent de les placer, soit qu’ils les fassent crier dans la rue, soit qu’ils les colportent à domicile. Les lecteurs préfèrent s’adressera eux, surtout dans les classes inférieures, parce qu’il leur est plus facile de faire tous les jours la dépense de 1 ou 2 cents que de payer en une fois le prix de l’abonnement, et parce que les agens se plient aux habitudes et aux exigences particulières de leurs pratiques. De leur côté, les journaux ont intérêt à favoriser un système qui simplifie leur comptabilité, qui leur assure une recette quotidienne et leur épargne les frais de distribution. Du reste, quelque rigoureuse économie qu’ils apportent dans leurs dépenses, le produit de l’abonnement ou de la vente représente à peine ce qu’ils donnent au public, et le plus souvent même ne couvre pas les frais matériels. Ce sont les annonces qui se chargent de combler le déficit et de rendre un bénéfice possible. Aussi les annonces tiennent-elles la première place dans les feuilles des États-Unis comme dans les habitudes du public améri-