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nous assure-t-elle contre des complications politiques capables non-eulement de compromettre tous nos intérêts, non-seulement de blesser nos affections réciproques, mais, bien plus encore, de nous diviser et de briser toute notre alliance ? Non. Je prends un exemple : que serait-il arrivé si le ministère danois qui, au commencement de la guerre d’Orient, a entrepris d’importantes démonstrations au plus grand profit de la Russie, était resté au pouvoir jusqu’après le traité conclu par la Suède et la Norvège avec les puissances occidentales ? On aurait vu l’un des trois peuples du Nord s’allier au mortel ennemi des deux autres ! — Supposez maintenant que la guerre se fût prolongée au milieu de telles circonstances, enveloppant sans aucun doute tous les petits états : nos rapports mutuels ne fussent-ils pas devenus extrêmement tendus, sinon tout à fait hostiles, et nos sentimens de confraternité n’y eussent-ils pas péri ?… Est-ce là, en vérité, une sérieuse et forte union ? Non, sans doute. Pour réaliser l’alliance intime, profonde et sûre que conseille et réclame l’idée qui nous anime, ce n’est pas assez d’un simple rapprochement intellectuel et moral ; il y faut, n’en doutez pas, des liens politiques. »

Une alliance politique peut être de diverses sortes. M. Ploug n’essaie pas de déterminer laquelle serait la plus profitable ; il laisse de tels soins au temps, qui saura bien en décider. Il signale seulement une condition tout à fait indispensable à son gré : c’est que l’alliance politique soit basée sur l’entier maintien des libertés respectives ; chacun des peuples contractans doit conserver sa complète indépendance. Quelque étroitement unis en effet qu’ils puissent être par l’origine et par leurs sentimens actuels, ces peuples se sont développés pendant le cours des siècles par des voies différentes : chacun des trois est en possession d’institutions particulières qu’il ne veut à nul prix sacrifier ou laisser tomber en oubli ; mais à chacun des trois une alliance politique sur la base d’une entière indépendance offre toute sûreté. La Suède est trop puissante pour craindre d’être dominée par le Danemark ou la Norvège, et la Norvège, actuellement la plus faible dans l’union péninsulaire, se sentira fortifiée par l’alliance du Danemark, dont les institutions et la nationalité sont si rapprochées des siennes.

Que faire néanmoins si les souverains devenus alliés sont un jour d’avis différens ? Le Nord possède aujourd’hui deux rois qu’animent les mêmes sentimens dont leurs peuples sont animés ; entre leurs mains l’alliance resterait inébranlable et féconde, mais Dieu seul peut savoir quelle sera la pensée de leurs successeurs, dans quel esprit ils gouverneront, de quels conseils ils voudront s’entourer, à quelles inspirations ils prêteront l’oreille. Dans le cas où les souverains ne seraient pas intimement et fraternellement unis eux-mêmes, que de-