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dans l’Enquirer et réussit à faire adopter par la Virginie la candidature de Madison à la présidence. Il eut en cette occasion une polémique acharnée à soutenir contre le parti démocratique, qui se croyait maître du terrain en Virginie, et dont la fraction la plus ardente, avec John Randolph à sa tête, ne craignait pas de demander hautement la dissolution de la confédération. Après avoir puissamment contribué à la nomination de Madison, Wirt continua à défendre sa politique dans la presse, et ne déposa la plume que lorsqu’il fut appelé à un poste dans la magistrature.

Wirt et Dwight lui-même étaient des hommes médiocres qui n’arrivèrent à la réputation que grâce à l’infériorité intellectuelle et morale de tous ceux qui écrivaient autour d’eux. La presse américaine était vouée à une incurable stérilité faute de pouvoir se recruter dans un pays où l’instruction primaire est universelle, mais où une éducation supérieure est encore une exception. Le développement des publications religieuses, qui forment la principale lecture du peuple américain, la controverse et la littérature biblique absorbaient l’activité du clergé, obligé de vivre de l’autel et tenu sans cesse sur la brèche par la multiplicité des sectes rivales. Quant aux gens de loi, tous ceux qui avaient quelque valeur faisaient une fortune rapide au barreau et dans la politique à raison de leurs connaissances et de leurs aptitudes spéciales, et ceux qui ne réussissaient point à percer dans les états anciens étaient sûrs d’arriver au premier rang par le seul fait de leur émigration à l’ouest ; il leur suffisait de se transporter dans les états nouveaux, au milieu des pionniers, pour posséder aussitôt l’influence politique, qu’ils n’avaient pu acquérir dans leur état natal. Ce n’était donc pas au sein du barreau que la presse pouvait se recruter : au milieu de cette population laborieuse et affairée, il n’existait point encore, et on aurait peine à trouver aujourd’hui même, une classe lettrée et oisive vouée aux plaisirs et aux travaux de l’intelligence, et capable de produire des écrivains. Ajoutons que, par une autre conséquence du même fait, il n’y avait pas non plus aux États-Unis de lecteurs exigeans dont la sévérité fît du mérite littéraire une condition de succès pour les journaux. Pourvu que le public ne se plaignît pas, et Dieu sait s’il était aisé à contenter ! qu’importait tout le reste ? Lorsque des besoins d’un ordre plus élevé commencèrent à se manifester dans les grandes villes du littoral de l’Atlantique, ils reçurent satisfaction par la création des revues et magazines, dont la naissance fut une nouvelle cause de faiblesse pour les journaux. Les recueils périodiques enlevèrent en effet à la presse quotidienne le petit nombre d’écrivains de mérite qu’elle comptait dans son sein, et appelèrent à eux tous les jeunes talens. Si donc quelques hommes de valeur